Fabien Dubos, le premier de la classe

24.08.2012

Brillant en maths, Fabien Dubos fut aussi l’un des joueurs les plus doués de sa génération. On promettait une carrière à la Stéphane Ostrowski à cet intérieur précoce qui avait du basket plein les mains. Attentes légèrement déçues. Aujourd’hui, le quintuple Champion de France est l’heureux patron de deux restos Quick.

Automne 1995. Depuis trois mois, Fabien Dubos (17 ans) toise les « big men » à Pau-Orthez. Le garçon a quitté le bitume de la cour du lycée de Sarsan, à Lourdes, pour le parquet du Palais des Sports. Le bizuth s’entraîne sérieusement et surtout, il joue. En évoluant aux côtés du pivot roumain Gheorghe Muresan (« Deux années à ses côtés m’ont plus apporté qu’une seule année de travail ») et en se frottant à Den Helder et Ljubljana, le gamin a énormément appris. Son prof s’appelle désormais Michel Gomez. Ses potes, Freddy Hufnagel, Darren Daye, Freddy Fauthoux, les frères Gadou, Rony Coco et David Bialski. Il ne joue plus aux billes mais à la baballe et le cartable a été troqué contre un sac d’entraînement. Fabien apprend et surprend, capable de s’écarter pour mieux… passer. Comme si ses 2,07 m et 100 kg lui interdisaient la raquette.

Le natif de Creil (Oise) est un malade de basket qui se soigne à coups d’entraînement. Là-bas à Gimont, dans le Gers, sa chambre est restée tapissée des posters de Michael Jordan et Yann Bonato. Jackie a voulu les retirer mais elle s’est heurtée à un refus. Jackie, c’est la maman. Elle est prof de français et d’arts plastiques. Elle n’a pas insisté, pas plus que Michel, le papa, instituteur. Il est comme ça, le fiston Dubos. Les murs de la chambre de Gimont ont vibré au son de quelques bons vieux CD de Genesis. Et à celui du « New Gold Dream » de Jim Kerr, le chanteur charismatique des Simple Minds. Au rayon lecture, Fabien a dévoré « Les Confessions » de Jean-Jacques Rousseau avant d’enchaîner avec « Du Contrat social ». Dans la vie, y’a pas que le basket.

20/20 en maths au bac !

Pas une seule fois au cours de cette discussion en toute décontraction, il n’emploiera le « J’hallucine ! » d’une street generation qui n’est pas la sienne et qu’il n’a jamais suivie. Fabien Dubos - à ne pas confondre avec son homonyme, batteur de Kyo, né un an après ! - est un « working boy » branché France Info avant Fun Radio. Mais tout intello qu’il est, il ne porte pas de lunettes. On lui rentre dans le lard, histoire de voir ? Question : « La chaleur et la moiteur du Sud-Ouest de la France encouragent le farniente, non ? » Réponse : « Non. Je suis sorti des playoffs à Montpellier en pleine forme, même si ce ne fut pas simple avec la préparation du bac. En juillet, je me suis donné à fond avec l’équipe de France Juniors mais j’avais déjà la tête à Pau-Orthez. »

Peine perdue, on vous dit… Dubos (en haut à droite, chez les benjamins de Montataire) croit aux vertus du boulot. « Seul le travail peut payer. Pour décrocher mon bac, j’ai étudié en rentrant de l’entraînement. De 22h à 2h du matin… » Résultat : un plus-que-parfait en maths (20/20) ajouté à un 17/20 en physique. Il décrochera un DEUG de maths. Easy. Fabien encore : « Le basket, c’est la même chose. Rien n’est acquis. Il faut prouver au coach qu’on est meilleur qu’un autre. Dans sa propre équipe comme dans l’adversité. » Le garçon en a bavé mais il n’a jamais pleurniché. C’est Jackie qui le dit : « Fabien a une volonté de fer. Lorsqu’il est allé à Montpellier, c’est lui qui a décidé. Il a foncé malgré le risque de connaître le banc. Il nous répétait qu’il devait gagner sa place dans le cinq. »

Ce sera chose faite, indifféremment aux postes 4 et 5. D’où les commentaires élogieux d’Alain Weisz, son coach dans l’Hérault : « Depuis 15 ans, on n’a pas connu un intérieur aussi doué en France. C’est du Philip Szanyiel ou du Stéphane Ostrowski tout craché. » En l’espace de cinq mois, Fabien passera de 5 à 20 minutes de temps de jeu, dans un rôle de guerrier. Ce fut le cas lors de ces playoffs 1995 face à Ian Lockhart (Dijon) et Bruno Coqueran (Cholet). Dubos avait tapé dans l’œil des coaches vedettes du championnat depuis belle lurette. Cette fois, il leur en met plein la vue. Michel Gomez, sous le charme, a hérité d’un double mètre formé à Montataire (1984-88) puis Montaut-les-Créneaux (1988-91). Avec pas mal d’années galère.

L’exemple-type du bébé basket-éprouvette

Gilles Barthes, l’un de ses premiers coaches, n’a pas oublié l’arrivée du loustic en septembre 1989. « Je lui ai demandé un départ croisé main droite puis le même main gauche et enfin un départ direct. Là, il ne savait pas, il a coincé. » Gilles Barthes et Daniel Carraro lui firent réviser les fondamentaux de A à Z. En septembre 1992, après une année au CREPS de Toulouse, Dubos met le cap sur Paris. Dans le bataillon des insouciants, on trouve Frédéric Weis et Thierry Pons. Pensionnaires d’un INSEP qui fait office de bouche-trou en Nationale 3 puis en Nationale 2 en 1993-94. Le surdoué Dubos déplace Bozidar Maljkovic en personne mais il ne répondra pas au chant des sirènes. Pourquoi ? « Je voulais un temps de jeu progressif. Après être passé par la N3 et la N2, la Pro B s’imposait. »

C’est Lourdes qui accueille le prodige de 16 ans en septembre 1994. Dans un club en sursis financier, Dubos passe 30 minutes sur le parquet et rapporte 13.4 points assortis de 5.2 rebonds. Le jeunot marque des points mais Lourdes rend l’âme. Première épreuve. « Je l’ai mal vécue. J’ai songé aux anciens qui n’allaient pas retrouver de club. » Premier miracle aussi. La suite, c’est Montpellier et l’explosion. En l’espace de quatre saisons, Fabien sera passé de la N4 à la Pro 1. « J’accepterai la discipline de groupe et la concurrence, annonce-t-il en arrivant à Pau à l’automne 1995. Je sais que le club a des ambitions en Europe comme en France. Cela exige un maximum de travail et d’enthousiasme. Mais j’ai tout à gagner. »

Travailler et gagner, des mots qui reviennent comme un leitmotiv chez Fabien. L’apprenti basketteur ne crache pas sur le fait d’être un pur produit du système fédéral. Première licence à 7 ans. L’exemple-type du bébé basket-éprouvette conçu au 14, rue Froment à Paris. Programmé pour réussir. Et Fabien réussira. Tous les coaches de France et de Navarre ont vu et corrigé, si besoin, le phénomène accueilli par le Centre fédéral entre 1992 et 94. De Frédéric Crapez à Lucien Legrand en passant par Patrick Maucouvert, Jean-Marie Deganis et Alain Weisz, tous s’accordent à dire que « Dubos, c’est la classe ». Une classe qui aurait pu tout aussi bien pu servir la musique - il jouait du saxo au sortir du biberon ou presque - ou le tennis - il a été classé 30 - avant la découverte du vélo en 1988 sur le Tour de France. Depuis, Fabien roule sa bosse dans les cols de Peyresourde et d’Aubisque, histoire de maintenir sa condition. « Le basket, c’est dur mais j’ai fait le bon choix. »

Un seul championnat d’Europe en seniors

A quoi juge-t-on une carrière réussie ? Cinq titres de champion de France, une Coupe Korac, une Semaine des As, trois Coupes de France et trois sélections All-Star, cela donne un beau palmarès. Mais Dubos, qui passait pour l’un des basketteurs les plus doués de sa génération avec une belle adresse à mi-distance pour un intérieur de sa taille, n’a pas forcément répondu à toutes les attentes. Les blessures ne l’ont certes pas aidé mais il n’avait définitivement pas la présence intérieure, l’abattage et la régularité d’un Stéphane Ostrowski. Avec les Bleus (37 sélections), il dut se contenter d’une participation à l’Euro 1997, à Barcelone (10e place). Il avait 19 ans, l’avenir lui appartenait. C’est ce qu’on croyait… En club, Dubos passa de Pau (1995-98) à Cholet (1998-2000) puis revint dans le Béarn pour un an avant de mettre le cap sur Nancy, en 2001. C’est seulement au SLUC qu’il quitta la zone des 10-12 points de moyenne (14.2 pts à 60.8%). Après deux nouvelles saisons à l’Elan (2002-04), il défendit les couleurs de Gravelines (2 ans) et Limoges, en Pro B. Clap de fin en 2007, à seulement 29 ans. Sa carrière pro se sera étalée sur 13 saisons.

« Je n’ai pas vraiment décidé d’arrêter, expliquait-il dans une interview au site de l’Union des basketteurs professionnels. Ma dernière année à Limoges, j’avais fait une saison correcte. Pendant l’été, je m’entraînais tout seul, comme d’habitude. Je me disais : « Je vais me relancer, je vais trouver un club ». Mais je n’avais pas de coup de fil. J’ai appelé mon agent qui m’a dit : « Je n’ai rien du tout ». Je lui ai répondu : « Si c’est pour galérer comme ça, ça ne sert à rien ». C’est à ce moment-là que j’ai reçu un appel de Quick qui m’a dit : « Votre candidature nous plaît, on vous propose d’ouvrir un restaurant ». Je pensais à ma reconversion depuis un ou deux ans déjà. J’avais déjà fait des démarches pour ouvrir une franchise mais je ne pensais pas que cela se ferait aussi vite. J’ai réfléchi, pesé le pour et le contre : soit continuer la galère en Pro B alors que j’avais joué en équipe de France et en Coupe d’Europe, soit préparer ma reconversion en étant franchisé et en gagnant autant d’argent qu’en tant que basketteur. J’arrivais en fin de carrière et cette proposition ne se représenterait peut-être pas. »

A la question « Pas trop dur de devoir tout recommencer ou commencer à 30 ans ? », la réponse fusait : « Non parce qu’avec le basket, au bout d’un moment, on est dans une routine. Aller à la salle, s’entraîner, gagner des matches… Quand on fait ça pendant 15 ou 20 ans, ça devient long. Là, ce qui était intéressant, c’était de se dire : « Je commence quelque chose de nouveau, je ne connais rien et je dois tout apprendre ». (…) Avant, je me levais pour aller m’entraîner ou aller au match. Aujourd’hui, je me lève pour aller faire marcher une entreprise avec des salariés et ce n’est pas la même chose. La pression de tous les jours, tenir des objectifs, être dans un bureau, ça change la vie. La pression au quotidien en tant que basketteur, on ne l’a pas. Peut-être le samedi mais sinon, tu viens, tu joues et tu rentres chez toi. Quand tu pars d’un club, ce que tu deviens après, tout le monde s’en fout et c’est la même chose dans tous les clubs : on est salarié et c’est tout. Personne ne nous prépare à ce qui va se passer après. Une fois que tu as posé les baskets, c’est fini, on t’oublie. Si tu ne t’es pas posé les bonnes questions avant, c’est potentiellement dramatique. Pour ma part, j’ai toujours gardé les pieds sur terre. »

Patron de deux restaurants Quick

Pour le plaisir, Fabien a poursuivi le basket à Carcassonne. Mais sa principale casquette est donc désormais celle de gérant. Le Creillois est devenu patron de deux fast foods Quick à Carcassonne et Perpignan. « J’ai toujours eu conscience qu’en sport, on pouvait être sous les feux de la rampe un jour puis oublié le lendemain », ajoutait-il dans « Commerce Magazine » en novembre 2008. Pourquoi Quick ? Son épouse était responsable marketing du groupe. La restauration était pourtant une découverte totale. « La pression est la même au moment du coup d’envoi d’un match et du coup de feu en salle », assurait Fabien. « Mon plus beau souvenir : l’ouverture de mon restaurant, un moment à la fois angoissant et magique. »

Aujourd’hui, reste l’album photo. Les souvenirs. Les articles élogieux. Comme celui de « Libération » un soir de mars 1996. « La blessure du pivot américain Reggie Smith a poussé (Fabien) sur le parquet des opportunités. Avec ses smashes en coups de pioche, ses rebonds offensifs assassins et son adresse extérieure jalousée, l’apprenti basketteur est devenu en deux mois la coqueluche de l’Elan béarnais. (…) Daniel Gendron, qui fut l’un des ses premiers entraîneurs au centre régional de haut niveau à Toulouse, raconte ses premières gaucheries et ses crânes analyses du jeu : « C’est un garçon qui a une étonnante vitesse cérébrale. Il est capable de déchiffrer en 1/10e de seconde une situation de jeu. 1/10e de seconde, c’est 50 centimètres d’avance sur le défenseur. Il fait le tri dans les informations puis les adopte si elles lui conviennent. C’est, selon moi, le type-même du joueur de demain. Il peut jouer à l’intérieur, même s’il manque pour le moment de puissance sous les panneaux, mais il est aussi capable de mener le jeu. C’est un polyvalent cérébral. » »

Tous les basketteurs en herbe sont invités à méditer cette formule de Fabien : « Le basket est un jeu qui n’a rien à voir avec l’abstraction, contrairement aux maths, par exemple. Là, il s’agit de l’épure, il n’y a pas un effort de mémoire mais juste des réponses instantanées »…

Lui a, quoi qu’il en soit, bel et bien tourné la page. « J’ai un peu coupé avec le monde du basket, expliquait-il encore au SNB, et puis j’ai pas mal de boulot et surtout pas trop le temps de voir (mes anciens coéquipiers). Je suis passé à autre chose. Je ne regarde pas de matches, je ne vais pas dans les salles, je joue encore un peu avec le club du coin mais pour le fun. J’ai totalement coupé du haut niveau mais ça ne me manque pas. Quand tu es basketteur pro, tu sais qu’à un moment donné de ta vie, il faudra faire autre chose. Il faut penser à sa fin de carrière et y réfléchir à l’avance. Un jour, les gens qui viennent aux matches ne seront plus là pour te serrer la main et tu te retrouveras seul. Il y a plein de sportifs qui se retrouvent en dépression à la suite d’une fin de carrière mal négociée. Il est vraiment essentiel de se poser les bonnes questions tout au long de sa carrière. »

(Source : starstory.fr)

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