Félix Courtinard, le jeu des 7 erreurs

27.03.2012

Au grand public, le pivot martiniquais des Bleus entre 1987 et 93 a renvoyé l’image d’un basketteur boudeur et mécontent, une force de la nature dotée d’une technique fruste. Mais pour qui prenait la peine d’apprendre à le connaître, Félix Courtinard révélait une facette beaucoup plus attachante. Non, « Féfé » n’était pas uniquement un journeyman invétéré et un déménageur grassement payé… La preuve !

« Le basket ? Je croyais que c’était un sport de fillettes ! » Félix Courtinard (2,06 m, 110 kg) est un bloc de béton. Physique unique. Caractère entier. Toute sa vie accompagné d’un ballon. Sur son île de la Martinique, à Saint-Joseph, comme tous les gosses de son âge, il pratiquait le football. « J’avais 17 ans, je jouais ailier droit. Un de mes copains m’a dit : « Viens faire du basket, c’est facile ». » Son prof de maths l’encourage aussi. Il est vrai qu’à l’époque, son 1,95 m déménage ! « Je me suis laissé convaincre. J’en avais marre de prendre des coups au foot et d’être souvent blessé. Le basket, je pensais que ça allait être du gâteau. La première fois, j’y suis resté une heure. J’en ai bavé… Ce n’était pas si facile. »

Mais l’ami « Féfé », comme l’appelleront ses potes de Cholet, s’accroche. Il devient même carrément accro. « J’ai pris une licence aux Golden Lions. C’était surtout pour m’amuser. Tu sais, en Martinique, on joue dehors et tout le monde te regarde. Moi, je ne savais pas du tout jouer mais je faisais grosse impression. » Courtinard impose son physique et sa rage de vaincre. Jean-Pierre Cotelon, son entraîneur mais également son agent, lui enseigne les rudiments du basket. « Va sur le continent », insiste-t-il. Il lui propose un billet aller-retour Saint-Joseph/Oloron Sainte-Marie (Pyrénées-Atlantiques). Ce club d’excellence régionale cherche à se renforcer, Félix imagine juste des vacances en métropole. Seulement voilà, le touriste Courtinard finit par se prendre au jeu. « L’équipe tournait bien. Nous sommes montés en Nationale 4. Le président Nicolas me considérait comme son fils. Il m’a dit : « Tu perds ton temps ici, tu as le niveau pour jouer plus haut. » J’ai suivi son conseil. »

Nous sommes en 1984. Ainsi se construit l’étonnante carrière de celui que l’on considérera au début des années 90 comme le meilleur pivot français. « J’ai vraiment franchi un palier à Voiron, en Nationale 1B (ndlr : en 1986-87, après un passage par Salon-de-Provence, une montée en N2 à la clé), souligne-t-il de son accent créole. Jurkiewicz m’a appris les ficelles du métier. Je me coltinais les Ricains d’en face et on me donnait de plus en plus de responsabilités. » C’est dans un match contre Voiron que Jean-Paul Rebatet, futur entraîneur de Cholet, va le découvrir. Et ne plus le quitter pour ainsi dire. « Je dirigeais alors l’équipe de Nantes, en Nationale 1B. C’était en 1987, l’année de notre montée. Voiron n’avait plus d’Américains, Félix a fait un malheur contre nous ! »

Après ce match, Nantes l’engage. « Très vite, Jean-Paul m’a fait confiance. Je n’ai pas eu le temps de trop cogiter. Tout s’est enchaîné si rapidement… J’ai même été sélectionné une fois en équipe de France. Ça m’a fait très plaisir car j’ai toujours eu de l’ambition. Je ne suis pas quelqu’un de sensible, je me fiche de ce que les gens pensent. Je ne suis pas une vedette, je n’ai jamais voulu être plus que ce que je suis. Mais dès que j’entreprends quelque chose, j’essaie d’aller au bout. » Félix Courtinard serait-il du genre hérisson ? « Malgré son aspect rouleur de mécaniques, c’est un gros bosseur. Son côté bourru n’est qu’une facette, une attitude qu’il se donne, commente Rebatet. Quand il fait sa mauvaise tête, c’est avant tout contre lui. Mais c’est vrai, s’il a envie de te dire « Merde ! », il te le dit. En fait, Félix est un gars très sain, très nature, qui a simplement besoin d’un environnement propice pour s’exprimer car il demeure fragile émotionnellement. »

Cholet va en faire un international à part entière. Après un séjour à Gravelines entre 1988 et 90, Courtinard rejoint Jean-Paul Rebatet dans les Mauges. « Durant ma seconde saison dans le Nord, j’ai atteint mon meilleur niveau. Mais entre Gravelines et moi, ça ne collait pas. A Cholet, j’ai retrouvé une vraie complicité. Une super ambiance. Une super équipe. » Avec Antoine Rigaudeau, Félix est la véritable révélation de cette saison 1990-91. Et pourtant, coup de tonnerre : Courtinard et Cholet, c’est fini après une petite saison ! Raison officielle : l’allègement de la masse salariale. « Tout s’effondre aujourd’hui, confie-t-il au printemps 1991. Il est préférable que je quitte un club qui ne me fait désormais plus confiance. Je pars. »

En championnat, les meilleurs intérieurs américains ont du mal à le contourner. Au plan européen, il a dominé des garçons de la trempe de Costa (Bologne) et Andreu (Saragosse). Du costaud. Le monde du basket va vraiment découvrir Félix en juin 1991 à l’occasion du championnat d’Europe en Italie. L’équipe de France a de grandes ambitions et elle compte sur lui. Tranquille, il explique : « Je ne me suis jamais demandé si j’étais un élément essentiel de la sélection. Je vis ma passion au jour le jour. J’irai sans arrière-pensées. Comme ça, je n’aurai pas de stress. Je suis peut-être modeste mais je connais ma valeur. Je ne suis pas encore au top. » Avec Félix, les Bleus se prennent à rêver. Lui, en père peinard, parle comme chaque année de ses vacances aux Antilles. « Pour moi, le bonheur, c’est avant tout mon fils Kevin et ma famille - deux frères, quatre sœurs - réunis sous le soleil de la Martinique. Je joue à la pétanque et je m’initie au ball-trap. »

Il n’y aura pas de pause cette année-là puisque Félix changera - une fois encore - de club. Et ce championnat d’Europe dans la Botte, alors ? Une 2e place dans la poule B (une victoire contre la Tchécoslovaquie, deux défaites contre l’Italie et la Grèce), une défaite de 21 points contre les Yougoslaves et un revers 101-83 contre l’Espagne dans la petite finale. Un seul succès en cinq matches, donc, pour le groupe emmené par Richard Dacoury, Stéphane Ostrowski, un très jeune Antoine Rigaudeau (19 ans), Valéry Demory, Hugues Occansey, Jim Bilba, Fred Forte et Didier Gadou. Dans les colonnes de « L’Humanité », le sélectionneur national Francis Jordane dresse le bilan. « Participer aux demi-finales était un événement historique. Notre contrat est plus que rempli puisqu’au départ, on ne visait qu’une 5e place.
- Et que s’est-il donc passé avec Félix Courtinard ?
- Il a été excellent, Courtinard !
- Pas aux lancers francs…
- Ah, ça, c’est autre chose ! Quand on voit le travail qu’il réalise sur le plan physique, moi, je suis très heureux de lui. On a tendance à ne voir que le côté négatif. C’est bien un réflexe français de ne jamais juger le travail de l’ombre. »

Entre 1991 et 93, Félix évolue à l’ASVEL. Pour le championnat d’Europe 1993 en Allemagne, on le retrouve en sélection avec Forte, Risacher, Bonato, Ostrowski, Rigaudeau, Adams, Gadou ou Bilba. Les Bleus, coachés une dernière fois par Francis Jordane, prennent la 2e place de la poule B à Berlin (victoires contre la Turquie et la Bulgarie, défaite contre les Croates). Deuxième tour impeccable (succès contre l’Allemagne, l’Estonie et la Belgique). En quarts, la France est décapitée (59-61) par son bourreau habituel, la Grèce, une formation qu’elle n’a pas battue depuis 1984. L’aventure s’achève tristement avec un revers face aux Espagnols (83-95) et une victoire 83-75 sur la Bosnie, le 4 juillet, synonyme de 7e place. Ce sera la dernière apparition du Martiniquais en Bleu. Sa première datait du 5 novembre 1987 à l’occasion d’un match contre la Pologne à Paris.

Crédité de 52 sélections et 398 points (record à 18), Courtinard n’aura jamais passé plus de deux ans dans le même club. Après deux saisons à Villeurbanne, il séjourne dans la capitale puis s’offre un dernier tour de piste dans les rangs de Strasbourg, où il bâche au printemps 1995. On le reverra en Guadeloupe (Baie-Mahault Basket Club). Si vous avez bien compté, cela fait neuf clubs en 12 ans. Félix a souvent changé de tunique et il ne s’est pas forcément fait que des amis dans le monde du basket. Un peu secret, pas très causant, il ne recherchait pas spécialement la médiatisation. Mais quand on avait la chance d’apprendre à le connaître - ce fut notre cas -, on découvrait un garçon vraiment sympa, à mille lieues de l’image du déménageur un peu rustre et à l’éthique de travail un peu lâche.

La Fédé écrit que Courtinard, « doté d’une puissance et d’une force incroyable, s’est longtemps cantonné dans son strict rôle d’intimidateur ». Au grand public (façon de parler, disons plutôt le public du basket), il renvoyait l’image d’un basketteur assez souvent boudeur et mécontent. La légende veut qu’il se soit blessé à la main en donnant un coup à un distributeur de sodas parce que son Coca ne descendait pas… Mais pour qui prenait la peine de dépasser l’a priori, le Martiniquais révélait une facette nettement plus attachante. « Mondial » prit le contre-pied de sa réputation - tête de lard et journeyman invétéré, l’un des joueurs les mieux payés du basket français à l’époque - en le faisant poser, après un quart de finale de championnat perdu contre le Racing Paris (0-2), avec une fleur à la bouche. Pour bien montrer la différence entre le joueur et l’homme…

Comme beaucoup de sportifs, Courtinard a investi dans l’immobilier (en ce qui le concerne, aux Antilles assez logiquement). Peu nombreux en revanche sont ceux à avoir créé… une rôtisserie de poulets ambulante. Installé en Guadeloupe, l’ancien international a coaché une équipe d’excellence, lancée à son initiative. On lui doit aussi la découverte du Martiniquais Michel Jean-Baptiste Adolphe, a.k.a. « JBMA », dont il a été le mentor. « J’avais 20 ans. Je jouais au foot et j’étais plutôt fainéant, reconnaît Jean-Baptiste. J’ai rencontré Félix par hasard. Il m’a proposé d’essayer le basket en Guadeloupe. Je lui dois tout. Il m’a tout donné sans jamais rien me demander en retour », racontait l’actuel Chalonnais dans les colonnes du « Journal de Saône-et-Loire ». « Pour JBAM, c’est le déclic. Direction la Guadeloupe et le club d’Avenir 2000, cher à Félix Courtinard, en Basse-Terre. Déterminé à trouver un club en métropole, il se dépense sans compter durant quatre années où il passe de 90 à 111 kilos. » La suite, on la connaît.

(Source : starstory.fr)

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