ITW Philippe Hervé (Limoges) : « Un back to back à faire »

11.06.2015

Arrivé début avril à Limoges, Philippe Hervé se penche sur la finale qui va l’opposer à Strasbourg, à peine deux mois plus tard.

Que ressentez-vous à l’approche du premier match de cette finale contre Strasbourg ?

On est content parce qu’on arrive au terme de la dernière ligne droite, qui plus est avec un temps de préparation important entre la demie et la finale. Ce n’est jamais facile parce qu’une fois qu’on lance les playoffs, pour les joueurs, dans leurs têtes, c’est fini les entraînements. Ils veulent garder le rythme, jouer des matches, des matches. C’est toujours difficile de les mobiliser sur une semaine d’entraînement. C’était vraiment évident entre le quart et la demi-finale, déjà un peu moins entre la demie et la finale parce qu’on sait qu’on arrive au bout, qu’il y a un titre à jouer. On mobilise plus facilement dans les têtes. On a tendance à être un peu sur la réserve en termes d’investissement physique parce que les joueurs se préservent, ils ont un peu peur de la blessure. Mais on sent dans les têtes que ça se prépare.

Vous allez donc affronter Strasbourg, une équipe contre laquelle Limoges a fait un partout en saison régulière mais ça, c’était avant votre arrivée dans le groupe. Est-ce un désavantage d’affronter Strasbourg pour la première fois cette année lors de cette finale ?

C’est valable pour Strasbourg aussi, ils n’ont pas joué le Limoges d’aujourd’hui. Donc pour moi ça n’a pas de signification particulière. Les deux matches joués en saison, je n’étais pas là, donc ça ne m’a pas impacté du tout. Pour Strasbourg aussi ça va être nouveau donc je ne pense pas qu’il y ait d’avantage d’un côté comme de l’autre. Après, ce que je pense de Strasbourg ? Que du bien. C’est une équipe qui a dominé le championnat par le fait de dominer son jeu, parce que c’est une équipe qui travaille avec un staff et des joueurs majeurs depuis deux, trois ans. Donc bien évidemment, elle domine son sujet en termes de jeu. Elle l’a démontré cette année en remportant déjà deux trophées en Leaders Cup et Coupe de France. A ce niveau-là, Limoges a tout à envier en termes de résultats cette saison.

Strasbourg a en effet dominé la saison régulière et pris déjà deux trophées, mais Limoges reste le champion de France en titre. Du coup, y a-t-il un favori sur cette finale d’après vous ?

Si on raisonne uniquement par rapport à la saison, bien évidemment que Strasbourg est favori. Maintenant Limoges est champion en titre et va le défendre. C’est déjà une belle performance parce que ça n’a pas souvent été le cas dans l’histoire de la LNB, seulement Roanne et Cholet sur les 12 dernières années. Et puis Strasbourg reste sur deux finales perdues, dont six défaites consécutives en finale depuis deux ans (Strasbourg avait gagné le match 1 contre Nanterre en 2013 avant de s’incliner sur les trois suivants et avait perdu 3-0 l’année dernière face au CSP). Quelque part, c’est quand même dans un coin de leur tête. Je pense que si on a les moyens de les faire douter, ça peut être un avantage psychologique pour nous puisque viendra à leur esprit ce qu’il s’est passé par le passé. Sachant que sur un match à enjeu, c’est celui qui fait le plus douter l’autre qui l’emporte.

En parlant de confiance, vous avez, à la différence de Strasbourg, remporté tous vos matches en playoffs. Cela peut-il donner de la confiance en plus ou bien au contraire, faut-il se méfier de ce sentiment de toute puissance ?

Il n’y a pas de sentiment de puissance parce que même si on n’a pas perdu un match, rien n’a été facile. On n’oublie pas qu’on a joué Nancy diminué, qui était un sérieux prétendant au titre au complet à mon sens. Il n’y a donc pas d’euphorie parce qu’on sait qui on a affronté et même si on n’a pas perdu de match, rien n’a été facile. Et puis on n’oublie pas que ça fait deux mois qu’on travaille en commun, on sait très bien qu’aujourd’hui on ne fait que maîtriser ce qu’on veut faire alors que Strasbourg domine ce qu’elle veut faire. Mais une finale n’est pas que le jeu, il y a aussi le mental. Et ça peut rééquilibrer les débats.

Vous êtes arrivé à Limoges à sept matches de la fin de la saison régulière, en choisissant de tout changer en termes de jeu. Avez-vous eu le temps de mettre en place votre basket comme vous le souhaitiez ?

Je dis bien qu’aujourd’hui on maîtrise, mais on ne domine pas. La différence c’est que quand on domine, vous avez créé des automatismes, il n’y a plus à penser. Nous, on fait preuve de régularité aujourd’hui mais on n’a pas créé tous les automatismes comme Strasbourg peut les avoir, c’est une évidence mais je savais bien en arrivant que ce serait impossible en deux mois. Mais on peut compenser différemment. Par notre capacité à entrer dans la tête de l’adversaire, en affichant une volonté au moins égale, voire supérieure même si Strasbourg aussi aura de la volonté, surtout après deux finales perdues. C’est pour ça que j’ai dit aux garçons qu’en termes d’objectifs, ils avaient pour le moment tout raté : le Top 16 de l’Euroleague, la Leaders Cup, la Coupe de France, l’Eurocup... Donc je leur ai dit : il va falloir décider de ce que vous voulez en playoffs. Car on sait bien qu’un titre change la saison, la saison de Limoges sera réussie si on est champion de France.

C’est d’ailleurs pour ça que la direction du club a fait le choix de changer de coach, en vous nommant à la place de Jean-Marc Dupraz à sept matches de la fin de saison. On imagine que vous avez donc du ressentir une forte pression en arrivant.

De toute façon c’est clair, et il n’y a pas de soucis par rapport à ça. C’est un club qui a de l’ambition et qui s’en donne les moyens donc si vous le rejoignez, il faut tout faire pour. On est conscient de la difficulté avec Fred (Forte) mais l’ambition est là. La première, c’était à minima de qualifier le club pour une demi-finale parce que ça correspondait au classement de la saison régulière. Ensuite c’était de tout faire pour aller en finale et maintenant tout faire pour gagner cette finale, parce qu’il y a un back to back à faire. Ca fait très longtemps que personne ne l’a fait en LNB.

Quel regard aviez-vous sur cette équipe en arrivant ?

Je ne veux pas porter de jugement de valeur, la seule chose que j’ai dite c’est qu’à l’écoute des garçons en arrivant, j’ai senti qu’il y avait une démotivation dans ce groupe, voire de la frustration par rapport à, l’identité du jeu, par rapport au rôle que pouvait avoir certains joueurs, j’en ai même trouvé deux assez résignés. A partir de là, ça m'a encouragé à dire : on va tirer un trait sur le passé et repartir d’une feuille blanche, avec sept semaines pour construire un collectif avant d’attaquer les playoffs.

Vous aviez quitté Orléans en fin de saison dernière avec la volonté de prendre une année sabbatique. Qu’est-ce que cela vous a apporté ?

J’avais surtout besoin de souffler physiquement pour différentes raisons. Il y a eu beaucoup d’investissement sur Orléans pendant neuf ans, ça a été plus dur ces dernières années parce que le développement du club n’était pas celui attendu, loin de là. Mais pour autant, il fallait quand même sportivement essayer de faire le truc. Il y avait donc une forme d’incohérence qui m’a beaucoup coûté. C’est difficile de faire le job sportivement alors que derrière ça ne suit pas, alors même qu’on avait communiqué sur de très belles choses : une salle de 10.000 places... Et du jour au lendemain, on vous explique que ça ne va pas être ça. Immanquablement, vous êtes puni, ça a été difficile pour moi et ça a créé beaucoup de frustration. J’étais fatigué, j’avais besoin de couper.

Qu’avez-vous fait durant cette coupure ?

J’ai vraiment coupé jusqu’au début 2015. Pas de basket du tout, la famille, les travaux... J’ai malheureusement eu la douloureuse épreuve de perdre mon papa... Rien n’a été facile et finalement, ce n’était pas plus mal que je ne sois plus en activité à ce moment-là. Et puis petit à petit, on a recommencé à travailler sur le basket, mais assez peu finalement. Je n’avais pas trop envie de ça mais par contre je me préparais à m’engager pour la saison prochaine, je n’étais d’ailleurs pas très loin de m’engager avant que l’opportunité de Limoges ne se présente.

Un club comme Limoges, c’est le genre d’offre qu’on ne peut pas refuser ?

Si, on peut toujours refuser. Mais c’est cohérent, il y a l’ambition, les moyens donc le discours correspond aux moyens, et c’est ça qui me plaisait dans le challenge, même si on avait bien conscience que c’était hyper compliqué de réattaquer à sept semaines de la fin avec un nouveau groupe. Pour moi le challenge était vachement intéressant parce que je n’avais jamais fait ça dans ma carrière. Ma méthode est simplifiée depuis longtemps donc je savais que j’avais le temps en sept semaines de mettre des choses en place pour être suffisamment compétitif. Je trouve même qu’on a été au-delà de ce que je pensais pouvoir faire.

En arrivant à Limoges, vous aviez dit qu’il n’y avait aucun joueur présent que vous n’auriez pas aimé avoir dans votre équipe. Finalement, ce groupe n’est-il pas le plus fort intrinsèquement que vous ayez eu en carrière ?

Ah ben oui ! Ce doit être ma 19e saison et globalement, il y en a 16 où on est parti d’un club de Pro B. J’ai eu des groupes compétitifs mais jamais des groupes aussi compétitifs avec des moyens aussi importants. Hormis ma première saison à Villeurbanne peut-être.

Les commentateurs parlent beaucoup du collectif strasbourgeois et mettent d’avantage en avant les grosses individualités de Limoges ces dernières semaines. Trouvez-vous cela trop réducteur ?

Oui, il faut à minima analyser les chiffres. Je n’ai pas les chiffres exacts mais il me semble que depuis que je suis là, on est à plus de 85 points marqués, à plus de 20 passes décisives et à 10 ou 11 balles perdues.

Ces remarques viennent peut-être du fait qu’à Strasbourg, plusieurs joueurs ont été bons à tour de rôle selon les matches. En demie, il y a d’abord eu Fofana, puis Dragicevic... Tandis qu’à Limoges, Adrien Moerman a été très bon à chaque match.

Je ne sais pas, moi j’ai vu Pooh Jeter, j’ai vu Westermann, j’ai vu Boungou-Colo... Je trouve que c’est une analyse très réductrice de ce qu’est Limoges aujourd’hui mais libre aux gens de le penser. Que ce soit pour Vincent Collet ou moi, on est tous dans l’altruisme, le partage des responsabilités, du temps de jeu, et puis ça se traduit dans les chiffres. Donc j’ai envie de dire analysez les chiffres ! Parce que si on était vraiment dans le talent des individus, on n’aurait pas plus de passes décisives que Strasbourg et on n’aurait peut-être plus de balles perdues alors qu’on en a moins. Mais ce qui est certain, c’est qu’après deux, trois ans de travail en commun, il y a plus d’automatismes dans le jeu strasbourgeois que dans le jeu limougeaud.

En tant qu’entraîneur, vous n’avez jamais été champion de France. Il y a eu deux finales, en 2003 avec l’ASVEL et en 2009 avec Orléans, en 2012 ce n’est pas passé loin non plus en demi-finale face au futur champion, Chalon, mais le fait est que vous n’avez pas remporté ce trophée. Est-ce quelque chose qui vous obsède ?

Non, ça ne m’obsède pas pour la simple et bonne raison que lors des deux finales perdues, on était loin d’être favori. Pau (en 2003), ils avaient l’avantage du terrain et une équipe supérieure à Villeurbanne, et c’est encore plus vrai à Orléans en 2009. Deux ans avant, le club était en Pro B et se retrouve en finale contre l’ASVEL, premier de la saison régulière. C’était plus un exploit d’être là qu’autre chose. Mais pour autant, ça me fera très plaisir d’être champion de France. C’est une ambition, bien évidemment mais ce n’est pas mon moteur au quotidien. Mais si on a les moyens de l’être, il faut l’être.

Du coup, 2015 n’est-elle pas l’année où vous avez le plus de chances de remporter ce titre ?

Je ne sais pas si je peux dire ça avec sept semaines de préparation (rires). C’est le seul bémol. Avec une année de travail sur ce groupe-là, il est évident que je ne pourrais pas me cacher. Mais je n’ai pas envie de me cacher non plus avec sept semaines de travail. Il faut qu’on arrive à le faire quand même, même si c’est face à Strasbourg, même si c’est sans l’avantage du terrain et même avec sept semaines de préparation.

Lors de votre dernière finale perdue, en 2009 avec Orléans face à l’ASVEL, le coach en face était déjà Vincent Collet. Y a-t-il une volonté de revanche de votre part ?

Non, pas du tout. Je ne fonctionne pas à ça et j’ai beaucoup de respect pour tous les entraîneurs et en particulier Vincent, parce qu’on est de la même génération. On a grandi ensemble en tant que joueur puis entraîneur, on s’est beaucoup opposé l’un à l’autre mais il n’y a pas de sentiment de revanche face à Vincent Collet. Et puis ce n’est pas la même histoire, ce n’est pas un match sec sur terrain neutre, ça va durer 3, 4 ou 5 matches. C’est complètement différent.

(Source : LNB)

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