Des nouvelles de : JONATHAN ROUSSELLE, QUI S'APPRÊTE À REJOUER EN ESPAGNE : « TOUT LE MONDE A UN PEU PEUR DE CETTE SITUATION » [INTERVIEW]

05.06.2020

Le meneur, qui va disputer le tournoi final de la Liga ACB avec Bilbao, nous raconte sa reprise très encadrée et les inquiétudes liées à cette étrange fin de saison en pleine pandémie de Covid-19. Son envie, aussi, de poursuivre dans ce championnat qu'il a découvert avec gourmandise.

Après une belle carrière en France (Gravelines, Boulogne, Cholet et Limoges), un statut de All-Star et 9 sélections en équipe de France, Jonathan Rousselle (1,92 m, 30 ans) a réussi son exil à l'étranger, cette étape dont rêvent bon nombre de basketteurs tricolores. Et pas n'importe où, puisque le Nordiste a mis le cap au sud et franchi les Pyrénées pour découvrir le championnat espagnol, le plus relevé du continent. À Bilbao, promu euphorique accrochant les gros (5e au moment de l'interruption, devant des cadors comme Valence ou Vitoria), il a réalisé un bel exercice. De quoi obtenir une prolongation en terrre basque, même s'il refuse de confirmer la nouvelle. De quoi, aussi, gagner le droit de disputer le tournoi qui permettra de couroner un champion d'Espagne de cette étrange saison, bouleversée par l'épidémie de Covid-19.

"Le tournoi de fin de saison de la Liga ACB commence le 17 juin à Valence, et les 12 équipes qualifiées sont de retour à l'entraînement. Comment s'est déroulée cette reprise ?

Déjà, on est souvent testé et il y a un protocole très rigoureux avant chaque entraînement : on nous prend notre température à l'arrivée à la salle et on garde nos masques jusqu'à notre entrée sur le terrain. Les vestiaires sont fermés et on se douche chez nous. Côté jeu, au début c'était un joueur par demi-terrain et chacun son ballon. Là, on est dans la troisième semaine et on est reparti sur du 5x5. La normale revient dans le contenu des entraînements, même si le coach et le staff gardent un masque et des gants.

Soulagement, inquiétude : quel sentiment dominait lors de cette reprise ?

Le premier jour, c'était vraiment très bizarre. Pendant deux mois, on ne s'était vu qu'en visioconférence. Du coup, on était content de se retrouver et de se faire des blagues, parce qu'on a une grosse ambiance dans l'équipe. Mais il y avait aussi de l'appréhension. Récemment, l'épidémie a évolué positivement en Espagne (mardi, le pays n'avait déploré aucun mort du Covid-19 en 24h, une première depuis trois mois), mais il y a trois semaines, il y avait encore beaucoup de flou et on était un peu inquiet. On se demandait, par exemple, si on pouvait se toucher, alors qu'on avait été testé. Quand on voulait se taper dans les mains on se disait « ah non, on ne peut pas », c'était vraiment spécial. Maintenant, on a appris à vivre avec ces conditions. On est comme tout le monde, on s'adapte, et le plaisir prend le pas sur l'appréhension.

En quoi consistaient les entraînements pendant le confinement ?

Je suis un des rares de l'équipe à avoir une maison et un jardin donc j'avais beaucoup de chance : je pouvais bouger un peu. Parce qu'à Bilbao, il n'y a que des apparts, donc pour tous les gars impossible de se dégourdir les jambes (en Espagne, il n'y avait pas d'autorisation de sortie pour activité physique). Heureusement, le club nous avait donné des vélos d'appartement et on faisait une heure chaque jour en visoconférence avec le préparateur physique. Grâce à ça, on n'était pas complètement à la ramasse lors de la reprise, même s'il fallait retrouver le cardio et les sensations basket. Du coup, ce qu'on fait à l'entraînement c'est plutôt bien, même très bien. Je pensais que ça allait être beaucoup plus moche que ça. En match, au début ça risque d'être un peu brouillon, un peu dur, mais ça va revenir malgré tout.

"Si j'avais eu le choix, je pense que j'aurais préféré ne pas reprendre parce que j'ai vraiment peur de la blessure"

Ces matchs commencent dans deux semaines : quelle est l'ambiance à l'approche du tournoi ?

Il y a beaucoup de doutes, c'est une atmosphère un peu bizarre. Il y a eu un sondage réalisé auprès des joueurs, et beaucoup ne voulaient pas reprendre. À mon avis, le jeu va reprendre ses droits : dès que le ballon sera en l'air, tout le monde ne pensera plus qu'à gagner. Mais l'approche du tournoi va être spéciale... Entre les mecs qui ont de la famille et ne veulent prendre aucun risque de les contaminer, ceux qui sont en fin de contrat et ne veulent pas se blesser après deux mois d'inactivité … Tout le monde a un peu peur de cette situation.

Et toi, quel regard portes-tu sur cette situation ?

Je suis très circonspect. Si j'avais eu le choix, je pense que j'aurais préféré ne pas reprendre parce que j'ai vraiment peur de la blessure. Mais maintenant qu'on doit y aller, tu suis la décision, tu t'en accommodes, et puis tu vas jouer pour gagner et on sera content d'être sur le terrain. De toute façon tu n'as pas forcément ton mot à dire, donc tu fais et puis c'est tout. On sait qu'on va être testé très régulièrement. Ce sera à huis clos et ce sera très pro, ils vont faire ça bien j'en suis sûr.

Avant l'interruptions, tu réalisais une bonne saison (7,6 points et 3,9 passes décisives pour 6,9 d'évaluation en 22 minutes de moyenne) dans un club en réussite. Comment s'est passée ta découverte de la Liga ACB ?

Ça a toujours été un objectif d'aller dans ce championnat-là, ça m'a toujours attiré. Je pensais en avoir les caractéristiques et je crois que je ne me suis pas trompé parce que j'y prends un plaisir fou. Bien sûr, on en prend toujours plus quand on gagne. J'ai eu un temps d'adaptation au début, parce qu'il y a vraiment beaucoup de différences avec la France, mais je commence à être très à l'aise avec le jeu pratiqué, la culture et la vie ici.

"C'est la meilleure ligue en Europe, et ce n'est pas une réputation surfaite"

Comment décrirais-tu les différences que tu évoques par rapport à la France ?

C'est beaucoup plus rythmé, instinctif, avec beaucoup plus de jeu en première intention. Un basket porté vers l'avant, fait de courses et de relances. Notre coach nous dit tout le temps de tirer sans nous poser de questions quand on est ouvert. Si tu le sens c'est bon, peu importe le nombre de secondes sur la possession, et l'équipe ira au rebond. Il y a aussi beaucoup de tactique, je trouve la préparation des matchs très pointue.

C'est un championnat où tu souhaites t'installer ?

Oui clairement, je suis très à l'aise et j'ai envie d'y rester. Le championnat ici est surdéveloppé, chaque match est diffusé, peu importe que ce soit le dernier contre l'avant-dernier. Il y a une vraie culture du sport en général et du basket en particulier, c'est un plaisir d'évoluer dans de telles conditions. Mon but, c'est de pouvoir poursuivre dans cette ligue parce que c'est la meilleure en Europe, et ce n'est pas une réputation surfaite.

Tu parles de culture basket, c'est encore plus vrai à Bilbao, dans une ville et une région – le Pays basque – qui adore le basket...

Les gens connaissent le basket c'est vrai, ils sont surtout très attachés à leurs valeurs locales. Ce sont des Basques, ils sont très fiers de leur identité et ça doit transpirer dans leurs équipes et leurs joueurs. On le comprend très vite quand on arrive. Cette année, on a répondu présent par rapport à ça et c'est le minimum. La salle est immense, environ 10 000 places, alors quand elle est pleine, forcément ça pousse fort. L'ambiance est très positive, festive. On peut avoir des matchs le dimanche à 12h30, les gens sont en week-end, ils viennent en famille pour passer un bon moment. Tu sens qu'ils sont là pour le sport, bien sûr, le match et le résultat, mais tu sens aussi qu'il y'a quelque chose de plus grand derrière tout ça. Et ça pousse quoi qu'il arrive, dans les bons comme les mauvais moments du match, et ça, c'est super agréable.

Vous attendiez-vous à réaliser une si bonne saison malgré votre statut de promu ?

Oui et non. Oui parce que pendant la pré-saison on prennait claque sur claque et qu'on se disait : « bon bah ça va être long ». Non parce qu'on bosse beaucoup et très dur, avec un coach très pointilleux, qui adore les choses bien faites, et l'équipe est à son image. On a très bien commencé la saison et la confiance est vite venue. C'est toujours étonnant qu'un promu avec peu de moyens fasse des résultats mais on travaille pour et dans le sport, il y a des exemples tous les ans, dans tous les championnats, d'un petit qui va taper les gros parce qu'il a un peu moins de pression, peut-être un peu plus d'envie. Cette année, c'est nous.

Ce coach que tu décris comme pointilleux, c'est Alex Mumbru, jeune entraîneur (41 ans) mais qui a connu le plus haut-niveau comme joueur (champion du monde 2006 et vice-champion olympique 2008 avec la Roja). Quel type de coach est-il ?

Tu ressens le fait que c'était un grand joueur, mais il n'est pas du tout le genre à dire : « moi je faisais comme ça, moi j'ai vécu ça ». Le seul moment où il m'a parlé de sa carrière, c'est lorsqu'on s'est qualifié pour la Copa Del Rey. Il m'a dit : « tu vas voir, c'est un tournoi incroyable ,je l'ai fait plusieurs fois. » C'est tout. Il est plus dans la transmission de son savoir, de sa carrière exceptionnelle. Il nous dit tout ce qu'il sait du championnat, des joueurs qu'on joue, parce qu'il les a joué aussi . Il nous donne beaucoup de petits tuyaux, de petites clés qui te servent en match. « Fais gaffe à cet arbitre-là. » Tu sais vraiment ce qu'il va se passer parce que lui est passé par là pendant des années.

Quel rôle te donne-t-il dans l'équipe ?

J'ai un rôle important : il me fait vraiment confiance, je suis meneur titulaire le plus souvent. Au début, j'avais du mal à lui rendre cette confiance parce que j'ai eu un temps d'adaptation, avec des performances en dents de scie. Mais sur la deuxième partie de saison il était très très content de moi. Au quotidien, il a une manière très espagnole de voir le basket : il donne beaucoup de conseils sur la technique et la tactique. C'est aussi quelqu'un de très humain qui prend souvent des nouvelles de ta famille. Il s'inquiète aussi de l'extra-basket, il est très à l'écoute et très proche de ses joueurs. Ce n'est pas comme un coéquipier, mais c'est quand même un peu plus que la relation traditionnelle entraîneur-entraîné."

Source : BeBasket

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