De nouvelles de Savo Vucevic : « C'est beaucoup plus facile de travailler aujourd'hui qu'il y a 20 ou 25 ans »

07.03.2019

Personnage truculent autant qu’adorable, Savo Vucevic, le coach d’origine monténégrine de Bourg, a traversé beaucoup de choses dans le basket depuis ses débuts d’entraîneur, au milieu des années 80. Ex-joueur, stoppé net dans sa carrière par une blessure au genou, il a ensuite été arbitre de haut niveau avant de basculer sur le coaching. Beau-frère de Nikola Antic, l’ex-entraîneur de Châlons-Reims (tous les deux ont épousé les deux sœurs Mugosa, Ljiljana et Svetlana, stars du hand féminin en ex-Yougoslavie), frère d’une star du basket yougo, Boro Vucevic et oncle de Nikola, All-Star NBA, Savo “baigne” dans le sport de haut niveau 24h/24. Il vient d’emmener la JL jusqu’en finale de la Leaders Cup. Entretien plein de sagesse et d’enseignements...

 

Pour commencer, avez-vous quelques regrets à propos de cette finale perdue d’un rien face à la SIG la semaine dernière ?

Il y a toujours un regret, forcément. Quand on atteint une finale, c’est pour la gagner, pas simplement pour la jouer. Ce n’est pas moi qui ai inventé cela, mais des collègues coaches à l’époque où j’étais encore joueur. Tu n’arrives pas tous les jours jusqu’à une finale. Donc ne pas la gagner... Mais l’autre question, c’est de savoir si nous avions tous les atouts en main, lors de cette finale, pour la remporter, en sachant que nous avions beaucoup dépensé d’énergie en quart comme en demi-finale. Surtout avec pas mal de joueurs de retour de blessures et d’autres sur lesquels on a pas mal tiré ces derniers temps pour compenser des absences. Alors, en 2e mi-temps face à Strasbourg, il me semble qu’on manquait d’énergie. Franchement, je n’ai rien à reprocher aux joueurs, car ils ont donné le maximum. Bien plus que le maximum, même, pour beaucoup d’entre eux. Quand on sait qu’on a battu l’ASVEL d’entrée. Parce que l’ASVEL, tu peux les battre en championnat, lorsqu’ils ont un jour sans, après une grosse rencontre d’EuroCup par exemple. Mais là, quand ils arrivent tous motivés comme pour la Leaders Cup... On a réalisé un match énorme face à eux. Le lendemain, on déroule un bon basket face à une équipe de Levallois qui n’avait rien à perdre. Donc, oui, j’ai des sentiments partagés. Un petit regret, mais beaucoup de fierté aussi. 

 

Pour des joueurs pas habitués à disputer la Coupe d’Europe, on imagine que jouer trois soirs de suite pose vraiment problème...

C’est difficile, oui, parce que c’est une habitude de répétition d’efforts que le groupe n’a pas. Le seul joueur qui a l’expérience de cela, c’est Zack Wright, qui a disputé souvent, avec Monaco ou Strasbourg, deux ou trois matches de suite à la Leaders Cup. Lui l’a déjà fait souvent, notamment lorsqu’il évoluait au Panathinaikos il y a quelques années. Les autres n’ont jamais connu ça. Ce n’est pas évident. Mais ils ont bien su gérer ça et je suis très fier d’eux. Ils ont tout fait pour gagner. Et je suis certain que si nous n’avions pas connu autant de blessures avant la Leaders Cup, nous aurions pu aller au bout. Ce manque d’énergie dans le final qu’on a connu, qui provoque forcément des pertes de lucidité dans les moments cruciaux. Mais c’est comme ça... 

  

Savo, une montée de Pro B en Jeep® ÉLITE, puis une première qualification pour la Leaders Cup assortie d’une place de 9e au final l’an dernier, et enfin cette place en Finale, à Disneyland® Paris, la semaine dernière. Quel regard portez-vous sur ces deux ans et demi à la JL Bourg ?

La première chose à souligner, c’est que la JL est un club qui travaille vraiment bien, et depuis longtemps, pour progresser d’année en année. Pendant 20 ans, ils n’avaient pas de très bonnes conditions de travail dans l’ancienne salle mais ils performaient quand même. Ils ont su se doter d’une très belle salle et d’outils superbes pour travailler maintenant. Pour moi, en tant que coach, dès mon arrivée ici il y a deux ans et demi, il a été très facile d’imposer ma manière de travailler parce que toute la structure est prête à se mettre au service du coach. Ils comprennent le basket et ont à la fois l’envie et la méthode pour construire quelque chose de grand. Sportivement, sur cette période, nous avons accompli de très bonnes choses. Le principal aussi, c’est que nous avons su fidéliser certains joueurs comme Zachery Peacock, Garrett Sim et Youssou Ndoye par exemple, sans oublier Maxime Courby. Ces joueurs se sont identifiés au club et ils représentent une base à laquelle les supporters sont aussi très attachés. Et c’est quelque chose de très difficile à réaliser aujourd’hui. Quand tu parles “amour du maillot”, c’est quelque chose qui était très présent il y a 30 ans mais qui, aujourd’hui, ferait rigoler pas mal de joueurs. Là, nous avons constitué un socle solide et c’est très important. Surtout que nous n’avons pas les moyens de rivaliser financièrement avec les grands clubs. Je suis fier du club pour sa façon aussi d’aller chercher les bons joueurs à la bonne place autour de ce socle. Fier aussi de l’harmonie qui règne ici. Nous sommes un club sans histoire et ce n’est pas si facile de maintenir quelque chose comme ça. On essaie de bien jouer au basket. On a encore des hauts et des bas mais... Cette saison, on a connu beaucoup de blessures et d’absences mais nous nous sommes quand même qualifiés pour la Leaders Cup. Quand on sait que ni le Champion ni le finaliste des derniers playoffs n’étaient présents, je crois qu’on peut être fiers ! C’est une bonne dynamique et j’espère que ce succès va nous permettre de continuer à performer correctement cette saison et les suivantes. Moi, je crois en tous cas que Bourg travaille très bien et que ça doit permettre à ce club d’être très stable au sein d’un championnat très difficile, probablement le plus dense d’Europe. Bourg a une vraie vision et c’est pour moi le plus important.

 

Vous avez perdu votre prolifique scoreur, Trey Lewis, à l’intersaison, mais gagné un Zack Wright qui remplit toutes les colonnes statistiques. Comment compareriez-vous les deux effectifs 2017-18 et 2018-19 ?

D’abord, les joueurs de base sont restés les mêmes. Les 4 que j’ai déjà évoqués plus tôt et qui sont avec nous depuis trois ans. L’an dernier, c’est vrai, en deuxième partie de saison, nous avions un joueur très spectaculaire et fort scoreur en Trey Lewis. Mais vous noterez qu’il a été là pendant la 2e partie du championnat et finalement... c’est là que nous avons connu une période plus difficile. Parce que les autres joueurs ont eu un peu de mal pour trouver leurs marques à ses côtés. On a eu aussi, la saison dernière, le malheur d’avoir un joueur, Biruta, qui s’est blessé pour toute la saison alors qu’il aurait pu nous apporter énormément. Et puis, en toute fin de saison l’an dernier, nous avons dû faire sans Zach Peacock et Garrett Sim et c’est ça qui a fini par nous coûter la qualification pour les playoffs. Sans eux, nous avons perdu 4 de nos 5 dernières rencontres alors que nous étions 4es, je crois, avant leur absence. Cette saison, en Zack Wright, on a gagné un joueur très stable, avec beaucoup d’expérience, même si c’est dommage qu’il n’ait pas pu faire la préparation avec nous. Nous avons perdu un petit peu de temps avec ça. Mais Zack, c’est une valeur sûre et un très bon gars. Je pense que l’équipe de cette année est plus stable que celle de l’an dernier. Nous avons aussi des jeunes que l’on essaie d’intégrer de plus en plus et qui devraient nous apporter plus au printemps. L’équipe avait peut-être un peu plus d’expérience au total sur 10 joueurs, mais l’apport de Zack nous rend sans doute plus forts que lors de la saison 2017-18.

 

Après 20 journées, votre équipe est à 11 victoires pour 9 défaites, avec très peu de vraies contre-performances en dehors de la double défaite face à Fos. Comment analysez-vous cette première partie de saison ?

Écoutez, je pense qu’il faut aussi souligner toutes les blessures que nous avons connues. Ulmer a manqué tout le début, puis Peacock s’est fait opérer, Sim a ensuite été absent trois semaines aussi. Puis, Youssou Ndoye a manqué un mois et demi jusqu’à la Leaders Cup, Wright a également manqué 15 jours et Moser, qui est un joueur très important pour l’équipe, nous a fait défaut pendant trois semaines. Les blessures ont toutes touché nos joueurs cadres. Et pourtant, nous n’avons pas connu de période de crise durable. À chaque fois, nous avons bien réagi et gagné toujours les matches qui, sinon, auraient pu nous faire tomber dans une période de défaitisme... Bon, c’est vrai, nous avons perdu deux fois contre Fos, mais il faut reconnaître qu’ils ont très bien joué les deux fois et mérité leurs victoires. Mais cette équipe ne cède pas, même dans les périodes difficiles. Cela s’explique aussi par notre manière de travailler. En tant que coach, une grande partie de mon travail relève de la psychologie. Je parle énormément avec chacun d’eux au quotidien, en essayant toujours de les valoriser, de les encourager pour qu’ils donnent le meilleur d’eux-mêmes. Je crois qu’ils me rendent tout ça au centuple sur le terrain ou par leur professionnalisme. 

 

Vous êtes 7es, à une victoire de la 3e place et avec seulement un succès de plus que le 13e. De quel côté peut basculer la pièce dans une élite aussi dense et resserrée ?

Je pense que si nous ne connaissons pas de gros pépins, nous sommes vraiment capables de bien jouer au basket et de battre n’importe quelle équipe. Il n’y a donc pas de raison pour que nous ne parvenions pas en playoffs. On va prendre les choses match par match, mais les playoffs sont notre objectif, clairement. Ce sera difficile, parce que beaucoup d’équipes sont compétitives, mais j’ai confiance dans ce groupe. Le match de ce soir face à Dijon aura vraiment valeur de test.

 

Quelle est la différence principale entre le Savo, coach de Bondy, il y a 25 ans ou plus, et celui d’aujourd’hui ? Dans quels domaines se situe-t-elle ?

L’expérience et la psychologie, sans doute. Vous savez, j’ai commencé à coacher dès 1984. Cela fait donc 35 ans ! Les erreurs que j’ai pu faire il y 30, 20 voire même 5 ou 10 ans, je crois que je ne les fais plus. Je suis plus capable de me mettre dans la tête des joueurs et trouver les mots qui vont résonner à leurs oreilles. Ce n’est pas si facile de communiquer avec eux, car j’ai 62 ans, je suis donc loin de leurs préoccupations ! Mais je peux les comprendre, je crois, et m’adapter. Après, il y a une accumulation d’expériences qui apportent certainement un plus. Mais la différence principale se fait sur le plan de la psychologie. Tous les coaches du championnat connaissent le basket et leur travail. Mais gérer certaines choses, les conflits, les périodes de doute des joueurs, c’est ça le plus difficile. Et pour ça, l’expérience, avoir vécu plein de situations comme celles-là, cela ne se remplace pas. En fait, mon avantage, c’est que j’ai eu le temps de faire beaucoup, beaucoup d’erreurs dans le passé ! Mais ce sont ces erreurs qui me rendent plus fort aujourd’hui. Le basket évolue, bien sûr. Mais j’ai, je crois, su évoluer aussi. Parfois, on veut rester trop fidèle à une époque ou à des formes de jeu qui ont pu faire vos succès. Mais moi, au quotidien, je crois que j’ai su m’adapter et surtout rester capable de comprendre ce qui se passe dans la tête des jeunes générations.

 

Il n’y a plus beaucoup de “vieux” comme vous ou Alain Thinet. La lassitude du métier ne vous a jamais guetté ?

Franchement non. Je sais bien que j’ai 62 ans, mais j’ai vraiment l’impression d’en avoir 40. Dans l’état d’esprit seulement, hein ! Ne me demandez pas de courir comme je le faisais avant ! Mais je peux promettre que dès que je sentirai les premiers signes de lassitude arriver, j’arrêterai immédiatement. Je déteste forcer les choses. Mais je prends encore énormément de plaisir dans le basket aujourd’hui. Toute ma famille est dans le sport et c’est un milieu dans lequel je me sens très bien. J’ai eu des propositions pour devenir manager général, mais j’aime vraiment le terrain, coacher, former. Et tant que j’aurai cette envie et cette motivation, je pense que je continuerai. Hé ! C’est quand même beaucoup plus facile de travailler aujourd’hui qu’il y a 20 ou 25 ans. On a des assistants, des préparateurs physiques et plein d’outils pour nous faciliter la vie. On fait un métier de rêve, on ne va pas se plaindre ! Alors, j’arrêterai dès que je sentirai qu’il est temps. Je ne veux jamais sentir dans le regard des gens que je suis en train de faire l’année de trop !

Cet article est à retrouver dans le Soir de Match papier distribué dans les salles de Jeep® ÉLITE pour la 21ème journée

Source : LNB

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