Des nouvelles de : Interview de John Linehan

25.05.2020

Meneur de légende de la LNB, le « virus » maîtrisait l'art de la défense comme personne. Entretien.

Même en pleine période de pandémie, celui que l'on surnommait « le virus » n'a pas été mis en quarantaine. Joueur phare du championnat de France entre 2004 et 2013, John Linehan, passé par Paris (2004-2006), Strasbourg (2006), Cholet (2009-2010) et Nancy (2006-2007 et 2010-2013) sévit désormais en qualité d'assistant-coach à l'université de Georgia (NCAA), d'où est notamment sorti Dominique Wilkins.

Meneur complet (il a détenu le record de passes en Euroligue avec 15 passes décisives) et défenseur hors pair, (parmi les meilleures intercepteurs de l'histoire avec notamment plus de 500 interceptions réussies en carrière en LNB, mais aussi recordman du nombre d'interceptions réalisées en carrière universitaire), John Linehan est resté le même, extraordinairement gentil en dehors des terrains, et toujours assoiffé de victoire dès lors qu'un arbitre jette le ballon dans les airs.

A l'occasion de cette semaine spécialement consacrée aux défenseurs, le sage a pris le temps de distiller ces quelques conseils à la relève. Il a également évoqué son amitié avec Kobe Bryant, compagnon de longue date, disparu dans des conditions tragiques le 26 janvier dernier.

John, la LNB rend hommage aux meilleurs défenseurs de son histoire cette semaine. On se devait donc d'avoir quelques mots de votre part...

Vous dites que je suis l'un des meilleurs défenseurs à avoir joué dans la ligue ? C'est super ça. C'est incroyable. Avec tous les super joueurs qui sont passés par la France dont certains grands joueurs français, c'est un honneur d'avoir cette reconnaissance. J'apprécie beaucoup.

D'où vous est venue cette gnaque ? Cette volonté de devenir l'un des meilleurs défenseurs de l'histoire ?

Dans ma ville, à Chester en Pennsylvanie, on est connu pour jouer vraiment dur en défense. Je crois que ma mentalité vient de là, alors que j'étais encore jeune. Le fait d'être petit aussi, j'ai toujours fait partie des joueurs les moins grands de ma catégorie, je me devais de faire quelque chose de différent des autres. J'étais très rapide par contre. On ne veut jamais se retrouver dans l'embarras sur un un terrain de basket et en ce qui me concerne, j'ai toujours eu cette volonté d'éteindre mon adversaire direct en l'empêchant de marquer. J'ai donc eu cette mentalité très tôt. Lorsque j'ai grandi et que j'ai commencé à jouer en AAU (Amateur Athletic Union, réservé aux joueurs âgés de 7 à 18 ans) avec Kobe Bryant et Richard Hamilton, j'ai compris qu'il n'y avait pas assez de ballons pour chacun d'entre nous sur un terrain de basket. Donc le seul moyen pour moi de me démarquer, c'était de me montrer sur l'aspect défensif. C'est parti de là, j'ai ensuite appris à être une vraie peste pour les adversaires, essayer d'arracher des ballons, casser la dynamique.

Quels sont les petits trucs que vous avez appris au fil de votre carrière pour améliorer votre façon de défendre ?

J'ai appris de la nécessité d'être aussi près que possible de la personne sur qui je défends, bien sûr, sans faire de faute. Personne n'aime avoir quelqu'un comme ça sur le dos. Mais le truc le plus important que j'ai appris, c'est de jouer avec les angles et comment pousser mon joueur à changer de direction. Je ne peux pas courir tout droit à côté de lui, je dois lui couper la route autant de fois que possible. C'est le seul moyen, d'une, d'arrêter son dribble, et, de deux, de maîtriser sa vitesse. Dès qu'il change de direction, le ballon est exposé et si je suis bien placé, ça fait autant d'opportunités pour moi de lui prendre. L'idée aussi, c'est d'utiliser les limites du terrain, les corners, pour mettre la pression et le piéger, presque à moi tout seul. Ça peut t'aider à mieux maîtriser un joueur. Ce sont des choses qui s'apprennent, comment rester proche d'un gars, travailler ses angles et savoir quand c'est le bon moment pour se jeter sur le ballon.

Est ce que c'est quelque chose qui se travaille, l'art de l'interception ?

Je ne sais pas si on peut vraiment parler d'exercice pour s'améliorer là-dessus spécifiquement. Tu peux bosser sur ton temps de réaction, avec quelqu'un qui t'envoie un ballon au hasard pour travailler dessus. Donc c'est plutôt ça, la vitesse avec laquelle tes mains vont agir. Il y a aussi des exercices avec des lumières qu'il faut toucher. Mais pour moi, le meilleur entraînement, ça reste de jouer et de se retrouver dans le contexte d'une action défensive. C'est aussi intéressant de voir comment tu te débrouilles tout terrain en un-contre-un. Mon truc, c'était que si je voyais le ballon, et que j'étais suffisamment proche, je fonçais.

Quelle est la part du mental dans tout ça ?

C'est clair qu'il faut avoir l'état d'esprit nécessaire, le mental d'un guerrier. Si tu m'as vu jouer, tu as vu que je m'étais cassé le nez trois fois, j'ai perdu des dents, je me suis cassé des os, les poignets. C'est comme ça. Il faut être un guerrier, avoir la volonté de stopper le gars en face de toi, par tous les moyens possibles. L'idée que ton adversaire marque un panier doit t'être insupportable. Il n'est plus question de l'équipe, ça devient un combat personnel. L'équipe a pour objectif de gagner en essayant de contenir l'adversaire à un certain nombre de points marqués, mais personnellement, je ne veux pas que mon adversaire score, pas une seule fois.

Connaissez-vous Briante Weber ? C'est un peu devenu votre successeur en Jeep Elite...

Oui je le connais, c'est un très bon défenseur. Je l'ai appelé alors qu'il s'apprêtait à battre mon record d'interceptions en carrière dans l'histoire du championnat universitaire (385 interceptions au total), pour lui souhaiter bonne chance. (Brianté Weber s'est blessé aux ligaments croisés du genou dans la foulée et est resté bloqué à la troisième place du classement avec 374 interceptions).

Pour lui, la défense c'est du mental à 100%...

Oui, c'est exactement ça. Si tu regardes certains des meilleurs défenseurs, il ne faut pas forcément être super rapide, mais il faut absolument avoir cette volonté, ce désir de stopper ton gars. Avec pour objectif principal, la victoire. Je ne dirais pas 100%, mais peut-être 90% de mental en effet. Les 10% restants, c'est de la technique. Mais il a raison de dire ça, il faut avoir cette volonté intarissable de le faire.

Avez-vous le souvenir d'une performance défensive dont vous êtes resté particulièrement fier ?

Oui, en France déjà. Le championnat français est tellement difficile et je me souviens lorsque je jouais à Cholet (2009-2010), quand on a affronté Le Mans en finale. Il y avait ce gamin en face, Zack Wright, qui sortait d'un gros match avant la finale à Bercy (23 points, 9 rebonds, 7 passes décisives et 4 interceptions lors de la belle face à Roanne). Il avait vraiment été exceptionnel. Donc pour moi, c'était la clé du match. Le jour de la finale, même si c'est un bon joueur et qu'il avait fait son match (7 points, 4 rebonds, 2 passes décisives, 0 interception, 3 ballons perdus), j'ai fait du bon boulot sur lui. Mais si je n'avais défendu de la façon dont je l'ai fait sur lui ce jour là, ils auraient gagné. Parce ce qu'ils avaient des très bons joueurs, comme Wright, Dewarick Spencer, une équipe complète avec un gros budget. Tout le monde s'attendait à ce qu'ils nous battent mais on a trouvé un moyen de l'emporter.

Je me rappelle aussi du jour où j'ai battu le record du nombre d'interceptions sur un match en championnat universitaire avec 11 interceptions face à Rutgers University (le 22 janvier 2002, lors de sa dernière saison à Providence).

En tant qu'assistant-coach aujourd'hui à Georgia, quelle est l'identité de jeu que vous inculquez à vos joueurs ?

Évidemment, je veux que la première qualité de mon équipe soit qu'elle joue dur et qu'elle ait l'état d'esprit nécessaire. Je veux que les adversaires qui vont nous jouer se disent : « Ça va être un match compliqué ». Je veux qu'on défende fort, qu'on n'encaisse peu de points. D'un point de vue défensif, je veux que les adversaires aient peur de nous, parce qu'ils savent qu'on va jouer très dur, de façon très agressive et qui va tout donner sur le parquet.

Pour revenir sur votre relation avec Kobe Bryant, Kobe a eu cette fameuse phrase dans un article de Sports Illustrated qui vous avait été consacré, disant que vous étiez le défenseur le plus coriace qui lui avait été donné d'affronter. Vous souvenez-vous de votre première réaction lorsqu'il a dit ça ?

Oui je m'en souviens très bien. J'étais dans ma dernière année universitaire. Lui, s'apprêtait à remporter son troisième titre NBA consécutif. Je me rappelle que c'est un journaliste qui me l'a dit en premier, parce que je ne l'avais pas encore vu. Et donc un journaliste me parle d'un coup de Kobe : « C'était comment de jouer avec lui au lycée ? As-tu lu ce qu'il a dit de toi ? ». J'ai répondu que non et il m'a dit : « Kobe a simplement dit que tu étais le défenseur le plus dur qu'il ait jamais affronté ». Et là, j'ai été choqué ! Je n'arrivais pas à y croire, ça m'a fait me sentir tellement bien. Que quelqu'un d'aussi bon que lui et au niveau auquel il évoluait à cette époque dise ça de toi, je peux vous dire que ça vous fait vous sentir plutôt bien. C'est une phrase qui m'a suivie toute ma carrière et ça m'a beaucoup aidé.

Vos deux lycées étant à 20 minutes l'un de l'autre, vous avez dû vous croiser beaucoup de fois...

Des tonnes de fois. Les équipes de nos lycées respectifs (Chester et Lower Merion) se sont affrontées à de nombreuses reprises. On jouait également contre et ensemble durant l'été, dans différentes ligues. Chacun de ces matchs étaient mémorables et c'est même lui qui a mis fin à ma carrière au lycée. On a perdu en prolongation le match qui nous permettait d'accéder au plateau final de l'état de Pennsylvanie. Et si je me souviens bien, il avait fini avec 39 points, 27 depuis la ligne de lancer-francs ! Je n'en ai jamais vu un autre comme lui. Il nous a laissé à tous un paquet de souvenirs mémorables.

Vous êtes-vous rendu compte du joueur qu'il allait devenir déjà à cette époque ?

Oui, car il était tellement différent. Je raconte toujours la même histoire, à l'époque où on jouait en AAU, c'était mon coéquipier de chambrée. Normalement, un gamin de 16-17 qui se retrouve dans un hôtel loin de la maison, il veut s'amuser, jouer aux jeux vidéo, peut-être aller se balader en ville, au supermarché. Mais à 20h30, alors qu'on était tous une bande de jeunes, il nous a tous envoyé au lit. Les joueurs disaient : « Pourquoi doit-on aller se coucher si tôt Kobe ? ». Et il a répondu : « On a un match super important demain matin ». Il y avait Tim Thomas en face, l'un des meilleurs lycéens de l'époque qui a joué en NBA ensuite. Il voulait que tout le monde soit prêt et ait l'énergie pour gagner. Et comme vous pouvez l'imaginer, le lendemain matin, il a fait le spectacle. Il avait cette approche différente, c'est un truc qui m'est toujours resté. Je pensais bien qu'il allait devenir un joueur spécial, rien qu'avec son éthique de travail, mais je ne pensais pas que ce serait à ce point là. Michael Jordan est mon joueur préféré, et jamais je n'aurais pensé qu'il puisse être comparé à lui un jour.

On gardera tous en mémoire l'attaquant et le scoreur exceptionnel qu'il était. Mais où le placeriez-vous dans l'histoire en tant que défenseur ?

Honnêtement, je ne sais pas s'il serait sur mon « Mont Rushmore » des meilleurs défenseurs. Il y a sans doute eu de meilleurs défenseurs que lui en NBA. Il faut comprendre qu'il y a des tas de gars dont le seul job est d'être fort en défense. Kobe était un joueur incroyable dans le sens où il savait tout faire, y compris la défense. Ce n'est pas si simple de jouer à fond des deux côtés du parquet à ce niveau, comme Kobe et Michael Jordan ont pu le faire. Ils faisaient ça parce qu'ils voulaient faire tout leur possible pour gagner. Ils avaient une forme et une condition physique incroyables et personne n'avait cette même volonté de gagner, cette ténacité. Ils sont seuls dans cette catégorie.

Source : LNB

Autres actualités

Des nouvelles de...
22.05.2020

Des nouvelles de : Cholet premier étage de la fusée Causeur

"Le titre avec CB a lancé la formidable carrière de Fabien Causeur, qui compte aujourd'hui parmi les meilleurs joueurs européens." Pour lire les articles, cliquez-ici.
En savoir plus
Des nouvelles de...
18.05.2020

Des nouvelles de : Matthieu Robin signe à l'Aurore basket

"Le visage de la future équipe de l'Aurore se dessine doucement..." Pour lire les article, cliquez-ici.
En savoir plus
Des nouvelles de...
18.05.2020

Des nouvelles de : Rudy Gobert organise un tournoi de charité en ligne pour sa fondation

Plusieurs basketteurs français se sont affrontés sur « Call of Duty: Warzone » ce dimanche à 20h sur la chaîne Twitch du pivot d'Utah, pour un tournoi de charité visant à récolter des fonds. Sur...
En savoir plus