Cholet Basket en 50 dates, épisode 9 : Nando De Colo et Rodrigue Beaubois, l’exceptionnelle draft 2009

22.08.2025

25 juin 2009, Madison Square Garden, New York. Bien loin de Cholet, CB est pourtant bien représenté lors de la draft NBA. En effet, Rodrigue Beaubois et Nando de Colo tentent tout deux leur chance à la draft. De leur arrivée à Cholet jusqu'à l'annonce de leur nom par David Stern et Adam Silver, retour sur un parcours qui a mené à une soirée historique pour Cholet Basket.

L'un vient du Nord, l'autre de la Guadeloupe. Nando De Colo est le premier à poser ses valises au Centre de Formation de Cholet Basket. Il avait d'abord joué au RC Lens, puis à Liévin avant de rejoindre le Pôle. Il vient alors faire les Camps Été de Cholet Basket et c'est là qu'il est repéré par un certain Jean-François Martin. “Il évoluait sur le poste 2, c'était surtout un joueur de un contre un, il n'avait pas vraiment de tir. Moi je le fais venir pour jouer meneur de jeu. C'est un peu difficile les deux premières années car Nando, il a beaucoup d'instinct, beaucoup d'agressivité et puis il a un sens de la passe, mais qui surprend surtout ses coéquipiers. Donc il a des balles perdues mais qui, des fois, ne sont pas vraiment de son fait. Il va développer petit à petit ce contrôle.”

"On en avait rigolé avec notre kiné, c'était Serge Krakowiak, parce qu'il devait se préparer des pâtes et il ne savait pas comment faire”.

Jean-françois Martin va alors faire un tour dans les Antilles : Guadeloupe, Martinique, Guyane. “Rodrigue, lui, il était petit quand il était en sélection guadeloupéenne, il exprimait du talent. J'étais plutôt venu dans l'esprit de trouver un grand, et là je vois Rodrigue, un joueur qui glisse sur le terrain, qui est hyper soyeux, élégant, avec des grands bras. Alors, j'en ai profité pour aller voir sa maman, prendre les contacts et il nous a rejoint. Il a passé son bac et petit à petit, il franchit les étapes”. Son arrivée à Cholet provoque également des changements pour Nando, qui bascule davantage au poste 2. “En U18, on l'a développé au poste 1. Quand Rodrigue arrive, ils jouent ensemble et c'est l'occasion de donner un peu plus la mène à Rodrigue qui a un peu le même profil que Nando. Ils n'ont pas la même personnalité, ce sont deux garçons un peu réservés, mais sur un terrain, on va dire que Nando est un peu plus expressif et Rodrigue un peu plus introverti. Nando, à ce moment-là, je décide de le basculer plus sur le poste 2 pour qu'il développe son shoot. On est dans un Centre de Formation donc on avait misé sur sa capacité à contrôler son agressivité pour jouer au service des autres, et ensuite, on avait dit qu'on allait faire ce petit décalage-là”.

Jacques Catel lui, se souvient de Rodrigue : “Rodrigue, c'était quelqu'un de sensible, très attachant, il avait besoin au centre de se faire son petit domaine à lui, et il savait pourquoi il était là, il bossait, mais il avait ce côté : ”Je me prends en charge et je m'occupe de moi”. Rodrigue c'était “Je me débrouille, tu ne t'inquiètes pas Jacques”. Au lycée, il a eu son bac du premier coup. Quand il est arrivé à Cholet, sa maman est venue avec lui, elle est restée 15 jours, elle voulait savoir où il était, comment ça se passait. Moi, je suivais comment ça se passait au lycée, je n'ai jamais eu de soucis avec Rodrigue, jamais”. D'ailleurs, Nando De Colo se souvient également : “C'est quelqu'un qui découvrait la métropole et le fait d'être plus autonome. On en avait rigolé avec notre kiné, c'était Serge Krakowiak, parce qu'il devait se préparer des pâtes et il ne savait pas comment faire”.

L'un et l'autre font alors leur bout de chemin en Espoirs avant de commencer à taper à la porte des Pros. Pour Nando, ce qui va tout changer, c'est le retour d'un certain Erman Kunter alors que l'équipe professionnelle est bien mal embarquée au début de la saison 2006-2007, avec 5 défaites pour 0 victoire. “D'avoir eu cette chance avec l'équipe professionnelle de Cholet, je la dois à Erman. Je me souviens que sur ma première année, on démontrait de belles choses à l'entraînement. Maintenant, avec du recul, c'est plus facile d'analyser les choses. Sur le moment, c'était compliqué pour moi de me dire : pourquoi ça se passe aussi bien à l'entraînement et derrière, je n'ai pas d'opportunité. Mais je comprends aussi la pression qu'un coach peut avoir, la pression que Ruddy Nelhomme à ce moment-là avait. Le fait de signer des joueurs étrangers qui ont souvent une place importante dans une équipe, qui ne performent pas comme il se doit, mais t'es quand même obligé de les mettre sur le terrain. Erman est arrivé, il nous a clairement expliqué dès le début que ce n'était pas son effectif, ce n'était pas lui qui l'avait fait, et à partir de là, ça allait se jouer sur ce qu'il allait voir à l'entraînement. Ça nous a permis à certains d'avoir un rôle plus important, je pense surtout à Steed Tchicamboud et à moi-même. Après, c'est comme tout, il nous a donné une opportunité de nous montrer, il fallait la saisir et c'est ce que j'ai fait, et après voilà ça a suivi”.

"Même ma femme me disait : Mais il est trop beau à voir jouer Nando."

D'ailleurs Steed Tchicamboud se souvient déjà de Young Nando à l'entraînement : “C'était incroyable parce que je le voyais, il venait à l'entraînement, il était fort. Pour un Espoir, je me disais, lui il envoie quand même ! Il dominait même l'américain qui était là à l'époque, c'était Richardson, il le dominait vraiment. Je me demandais pourquoi il ne jouait pas plus”. Jean-François Martin se souvient de cette transition entre Espoirs et Pros : “Quand Nando nous quitte en milieu d'année pour aller avec les Pros, on était premiers avec les Espoirs, avec Nando et Rodrigue, et là Rodrigue a du mal à assumer tout seul la mène. Ça perturbe tout le monde. Nando, je me souviens avant Noël, il fait un match à Paris, il finit à 40pts, 35 d'évaluation (ndlr : 32pts - 8rbd - 10pd - 47 d'évaluation) il marchait sur l'eau. Et puis après à Villeurbanne il joue avec nous, il met 20pts, puis il joue avec les Pros et il met 20pts. Et après, il est parti au-dessus, car il a prouvé qu'il était là”. C'était là le début d'une belle histoire avec les professionnels, et Steed se souvient d'ailleurs en rigolant : “Je me souviens pendant sa deuxième saison, en Coupe d'Europe, il y a un match, il était en état de grâce, je ne sais plus contre qui, mais c'était hallucinant. Même ma femme, elle me disait : Mais il est trop beau à voir jouer Nando. Bon moi, je lui disais en rigolant : Ah bon, c'est pas moi qui suis le plus beau à voir jouer ? Mais vraiment impressionné par Nando ouais. Même moi j'étais impressionné. Et à cette époque-là, on avait été élu le meilleur backcourt français de la Pro A, donc ouais, on a fait nos classes ensemble avec Nando".

Erman Kunter se souvient que ce n'était pas facile d'avoir 3 potentiels à gérer à l'entraînement (ndlr : Kévin Séraphin s'entraînait également avec le groupe). Il y a les objectifs du club, et les objectifs individuels et il faut jongler avec tout ça. Il se souvient bien de ces deux jeunes pépites : “Nando, c'est un mental vraiment très très fort. On faisait toujours deux entraînements par jour, mais Nando arrivait toujours une heure avant. Rodrigue, lui, a une explosivité au niveau des jambes exceptionnelle”.

Rodrigue, il a mis un peu plus de temps à exploser dans le monde professionnel. “C'était plus sur notre dernière année à Cholet qu'il s'est montré” nous dit Nando De Colo. “Je me souviens que sur notre dernier match, il m'avait dit qu'il devait mettre 31pts pour finir la saison à 10pts de moyenne, et il a réussi à le faire. Il devait être à 29pts, il restait moins de 5 secondes et j'avais fait une remise en jeu rapide pour l'envoyer en contre-attaque pour qu'il puisse mettre 2pts de plus et finir finalement à 10pts de moyenne sur la saison”. Une anecdote du magicien De Colo qui montre la complicité entre les deux pépites. Une complicité que Rodrigue Beaubois avait également avec Steed Tchicamboud : “Rodrigue Beaubois, c'était comme mon petit frère. Un joueur avec de très très grosses qualités. De très grosses qualités de scoring notamment. La première année, quand Erman est arrivé, il a commencé à s'entraîner avec nous. Je le dominais bien parce que je connaissais mieux le basket que lui, parce que j'étais plus physique que lui. La deuxième année, c'était la même chose et à la fin de l'année, je m'en rappellerai toujours, il commençait à prendre le dessus sur moi. Je me suis dit, non le p'tit je peux pas le laisser prendre le dessus sur moi. À un entraînement, j'essaye de jouer physique sur lui, et lui, il résiste et il me contre, c'était vers la fin de l'année. Là, je me suis dit : Bon Steed, il est temps de partir. Il est temps de partir sinon tu vas avoir des problèmes avec ce p'tit là. Mais moi Rodrigue vraiment, c'est comme mon petit frère, il m'avait invité à sa draft, je n'ai pas pu y aller parce que j'étais chez Tony. On regardait la draft à la télé, j'en ai pleuré. J'ai toujours gardé contact avec lui. Il y a des années où je vais aux États-Unis chez lui à Dallas”.

"Plus les choix passaient, plus je me disais : J'espère que je vais quand même être drafté"

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Nando De Colo et Rodrigues Beaubois avant la draft.

Car oui, nous y sommes. Le 25 juin 2009, c'est le jour J. Nos deux pépites sur la ligne de départ pour prendre l'un des 60 spots de cette Draft 2009. Thierry Chevrier se souvient très bien de cette soirée : “Cette draft c'était beaucoup de bonheur, mais aussi beaucoup de souffrance. J'étais présent, Nando avait fait une saison exceptionnelle, il était MVP français. Rodrigue, c'était plus le prospect. Rodrigue est drafté en 25e position. Et là ensuite, je vois les noms passer, passer”. Car en effet, si Rodrigue Beaubois fut drafté par le Thunder au premier tour, avant d'être envoyé à Dallas, ce fut une toute autre histoire pour Nando De Colo, et ce dans tout le processus de draft, même en amont : “Moi, j'essayais de me concentrer sur ce que j'avais à faire. Je savais que Rodrigue avait plus de contacts que moi par rapport à la NBA, moi, je découvrais tout ça. J'avais un agent qui n'avait pas la licence NBA, donc on a dû travailler avec un agent américain qui, selon moi, n'était pas à la hauteur de ce que j'aurais espéré, mais ça aussi on ne le sait qu'après-coup. Quand j'ai fait mes différents workouts dans les franchises, tout se passait bien, mais seulement après, j'ai réalisé que je n'étais qu'avec des personnes de deuxième tour voir des joueurs qui n'allaient pas être draftés, donc forcément, je ne pouvais pas me comparer au meilleur niveau. Pendant longtemps j'avais été attendu fin de première tour, début de deuxième et finalement je me suis retrouvé en fin de deuxième tour. “

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Rodrigue Beaubois avec David Stern alors qu'il vient d'être drafté en 25ème position.

En effet, c'est à la 53ème position que Nando De Colo est appelé par Adam Silver. Thierry Chevrier est alors dubitatif sur ses chances de réussir dans le Texas. “Moi je me dis qu'à San Antonio il ne trouvera pas de place car il y a déjà Tony Parker, Manu Ginobili. J'étais heureux qu'il soit drafté, et parce qu'on avait deux joueurs, mais j'étais triste pour lui, car je le voyais tellement beaucoup plus haut. Donc j'avais cette tristesse en moi, vis à vis de tout ce qu'il avait réalisé avec nous ces deux dernières saisons”. Mais Nando De Colo lui, avait déjà un plan bien précis en fonction de toutes les possibilités : “Je savais comment j'allais organiser la suite. Si c'était le premier tour, j'allais forcément tester l'aventure américaine, si j'étais au deuxième tour, je savais tout de suite que j'allais me diriger vers Valencia. C'est même ce que j'ai dit à Thierry Chevrier quand il est venu me voir pour me dire : Bon c'est pas grave le deuxième tour. Je lui ai dit : écoute, il n'y a pas de problème, je sais maintenant ce qui m'attends. Et plus les choix passaient, plus je me disais : J'espère que je vais quand même être drafté. Parce que ça passait, et mon nom ne sortait pas. Finalement, ça a été le cas. Tant mieux, parce qu'en plus, je voulais vraiment partager ce moment avec ma famille, ils étaient avec moi là-bas, donc c'était sympa d'avoir pu participer à la draft. Aujourd'hui, je pense que les joueurs en général sont beaucoup plus en alerte de ce qu'il se passe donc c'est peut-être plus facile. Moi il y a beaucoup de choses que j'ai découvert sur le moment, donc derrière il faut vite s'adapter”.

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Nando De Colo serrant la main de Adam Silver après avoir été drafté en 53ème position par les Spurs.

De ce soir de draft, Thierry Chevrier nous glisse d'ailleurs une petite anecdote sur l'avenir : ”Après cette déception personnelle, il fallait vite réagir pour se dire quand même que c'était quelque chose d'exceptionnel. Je termine la draft au petit matin, car c'est extrêmement long la draft, et là, j'appelle l'agent de Fabien Causeur, et je signe Fabien Causeur à New York”. Avant de finalement conclure : ”C'était une expérience incroyable parce que c'était nos deux premiers joueurs draftés sous l'étiquette Cholet Basket”. Référence à Mickaël Gelabale qui lui avait été drafté sous l'étiquette du Réal Madrid.

Toujours est-il que pour Jean-François Martin : “Rodrigue et Nando ont été draftés la même année, donc ça, c'était assez exceptionnel. Qu'un Centre de Formation soit en mesure de présenter deux joueurs la même année, c'est rare”. Alors que Patrick Chiron, lui, souligne : ”On avait deux pépites à ce moment-là, les deux ont fait une belle carrière. Rodrigue, c'était un joueur avec un talent fou et soyeux. Nando on connaît sa carrière, lui, c'est extraordinaire, un des meilleurs joueurs européens”. Et en effet, tout le monde connaît la suite de leur carrière. Rodrigue fut champion NBA avec les Dallas Mavericks, signant même une performance à 40pts contre les Warriors. Les blessures vont le ramener en Europe où il y fera une excellente carrière, devenant même double champion d'Europe avec l'Anadolu Efes Istanbul. Nando De Colo lui, s'est imposé comme l'un des meilleurs joueurs européens de tous les temps. Il a d'abord gagné l'Eurocup avec Valencia avant de devenir Champion d'Europe en 2013 avec l'Equipe de France dont il est devenu un cadre, double médaillé d'argent Olympique. Il a brillé en Euroleague devenant également double champion d'Europe, avec le CSKA Moscou. On ne saurait citer tous leurs titres, récompenses, records tant ils sont nombreux.

Nando et Rodrigue, ce sont deux légendes du basket français, formées à Cholet, et qui y ont notamment gagné une Semaine des As et joué une finale d'Eurochallenge. Mais tout ça, on vous en parlera une autre fois dans Cholet Basket en 50 dates !

Avec les témoignages de : Steed Tchicamboud, Nando De Colo, Erman Kunter, Patrick Chiron, Jacques Catel, Jean-François Martin, Thierry Chevrier.

Sources : Site officiel de Cholet Basket.


Photos d'illustration : Etienne Lizambard

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