ITW Laurent Buffard : « Il faut être très ambitieux »

07.11.2014

Légende du coaching dans le basket féminin, Laurent Buffard (51 ans) est revenu l’an dernier à Cholet, le club de ses débuts, avec la volonté de retrouver le haut niveau français.

Après votre courte défaite à Nancy le week-end dernier, Cholet se retrouve avec trois victoires pour trois défaites. Que pensez-vous de ce bilan ?

On avait un calendrier très compliqué sur ce début de saison avec beaucoup d’équipes qui avaient terminé dans les huit premiers l’an dernier : Dijon, Villeurbanne, Le Mans, Nancy... plus Gravelines et Nanterre, qui sont aussi des équipes de très, très grandes qualités. On a trois victoires et on aurait presque pu en avoir 4 puisqu’à Nancy on n’est pas très loin. C’est un début de saison qui n’est pas trop mal réussi, à l’image des matches amicaux qui s’étaient plus ou moins bien passés.

Après six journées, seulement quatre équipes affichent un bilan positif (Limoges, Nanterre, Strasbourg et Gravelines-Dunkerque). On dit souvent que la ProA est un championnat très dense mais cette année encore plus visiblement. Du coup, comment vous situez-vous dans ce championnat ?

La ProA est très compétitive depuis plusieurs années. Toutes les équipes, ou presque, ont cinq Américains et la dimension physique est présente chez tout le monde. C’est pour ça qu’il y a des surprises : Le Havre qui bat Limoges, Chalon qui perd à Boulogne... La différence avec les équipes du haut de tableau c’est qu’elles ont un peu plus de réussite à trois-points et de QI que les autres. Mais le championnat reste très ouvert et personne aujourd’hui n’est capable de dire qui va faire partie des huit qualifiés en playoffs et qui va finir champion de France. C’est difficile de faire notre bilan après six journées mais je travaille tous les jours avec des joueurs qui s’entraînent beaucoup, qui ont envie de progresser et qui veulent gagner. Cholet a besoin de retrouver le haut du tableau et avec 18 équipes, il faut en laisser 10 derrière, ce qui n’est pas facile. En plus on a fait beaucoup de changements cet été mais comme tout le monde est arrivé tôt en préparation, on a pu réussir à mettre en place un collectif qui peut nous permettre de nous sauver sur la saison si on continue à jouer comme cela.

Il est vrai que l’équipe a été grandement modifiée cet été puisque seul Rudy Jomby a été conservé dans le groupe pro. Ce groupe est-il davantage conforme à vos envies que celui de l’an passé ?

Oui. L’année dernière je suis arrivé en cours de saison, ce n’est pas moi qui ai construit l’équipe. C’était compliqué d’arriver en cours de saison mais on s’est sauvé. Anthony Goods était un joueur majeur qui s’est blessé, malheureusement, Eric Chatfield est revenu à son meilleur niveau l’année dernière donc on a bien terminé. Mais cette année, on a une équipe beaucoup plus intègre, où les joueurs ont envie de jouer les uns pour les autres, avec vraiment la volonté de faire passer le collectif avant les individualités. L’état d’esprit est remarquable.

Statistiquement parlant, votre meilleur joueur pour l’instant est Zachery Peacock (13,7 pts, 6,2 rbds, 16,0 d’évaluation), un pivot qui arrive de ProB et qui n’avait jamais joué en ProA avant cette année. Est-ce la trouvaille de l’année ou bien pensiez-vous déjà en amont qu’il serait capable de jouer à ce niveau ?

Ce n’est pas la trouvaille de l’année, c’est un joueur qu’on suivait depuis très longtemps. Il a été élu meilleur joueur de ProB et avant cela, il avait eu une expérience en Allemagne où il avait été très, très bon. Il nous intéressait parce que c’est un joueur atypique pour la ProA : il peut jouer dos au panier, tirer à trois-points, prendre des rebonds, faire des interceptions et puis surtout il est dans l’intensité. C’est toujours très intéressant des joueurs comme ça.

À ses côtés, vous avez fait venir Nick Minnerath, Jonathan Rousselle, Cedrick Banks, Chris Oliver, Nicolas De Jong... Des joueurs qui connaissaient des situations différentes mais qui, à l’exception de Paul Delaney III, connaissaient tous la ProA. C’était une priorité pour vous ?

Ah oui. Les rookies qui arrivent directement des Etats-Unis ont généralement besoin d’un ou deux ans en Europe avant d’intégrer la ProA. On le voit cette année avec Travis Bader (à l’ASVEL) mais déjà l’an dernier, sur les 8 joueurs rookies qui sont arrivés, six ont dégagé et deux sont restés : Paul Harris à Nancy et Minnerath au Havre, qui avait quand même déjà joué avant cela en Espagne. Autrement, c’est très compliqué. Donc c’est important d’avoir des joueurs qui connaissent le championnat de France, ses valeurs, et qui sachent se remettre en question à chaque match. Pour un rookie, c’est une découverte à chaque fois, il y a de la méconnaissance quant aux joueurs adverses, à leurs valeurs sur le terrain, aux équipes... Et puis Cedrick Banks, Nicolas De Jong ou Jonathan Rousselle, ce sont des joueurs qui étaient un peu frustrés dans leur club et qui peuvent beaucoup plus s’exprimer dans un club comme Cholet. Cholet a souvent été un club qui a révélé des joueurs, à l’image de Fabien Causeur.

C’est vrai que l’on parle beaucoup de la formation choletaise mais il y aussi des joueurs qui viennent d’ailleurs et qui cartonnent à Cholet...

(il coupe) On n’a pas le choix ! Le Centre de Formation est performant mais en même temps... En plus il ne faut pas oublier qu’un rookie américain, il sort de fac à 22, 23 ans. Et nous, à 20 ans, on voudrait déjà que le jeune soit opérationnel en ProA ? C’est très compliqué pour un jeune, tout le monde ne s’appelle pas Rudy Gobert ou Kevin Seraphin.

Vous êtes arrivé à Cholet l’année dernière pour remplacer Jean-Manuel Sousa mais avant cela, vous avez eu un très long parcours de coach dans le basket féminin. La transition entre les deux a-t-elle été facile à faire ?

Je suivais énormément la ProA. Quand j’étais à Lyon, j’allais voir l’ASVEL très souvent et aussi Cholet puisque je suis Choletais. J’ai aussi eu la chance en arrivant à Cholet de trouver Jim Bilba et Régis Boissié qui connaissent très bien la ProA, de même que Thierry Chevrier, donc la transition s’est relativement bien faite. Ce qui est beaucoup plus difficile à gérer chez les garçons ce sont les égos. Certains ont un gros égo, d’autres un peu moins, certains sont plus dans l’individualisme, d’autres dans le collectif... C’est très, dur de s’adapter. Chez les filles, l’état d’esprit est plus homogène. Elles ont compris que pour s’en sortir au haut niveau, le collectif c’est mieux, parce qu’elles n’ont pas les mêmes moyens physiques que les garçons pour jouer les un-contre-un. Il y a moins de vitesse, moins de smashes... mais il y a beaucoup plus de tir à trois-points, de collectif... C’est un basket plus propre, où la patte de l’entraîneur est beaucoup plus visible.

Dans le basket féminin, vous vous êtes constitué un très beau palmarès : vous avez remporté deux fois l’EuroLeague féminine avec Valencienne et vous avez coaché Ekaterinbourg, le club le plus riche du monde chez les filles. Ce sont des choses qu’aucun coach français n’a jamais réussi à faire dans le basket masculin. Après tout ça, n’est-ce pas frustrant de coacher Cholet, en ProA ?

Avec les filles, j’ai fait six Final Four, 4 finales et j’en ai gagné deux. Et puis Ekaterinbourg, c’était exceptionnel. Mais malgré tout le respect que j’ai pour le basket féminin, et Dieu sait que j’en ai, il n’y a que 18 entraîneurs qui sont en ProA donc c’est un challenge aussi. Je pense que la ProA va beaucoup progresser dans les années à venir, on le voit d’ailleurs cette année en coupe d’Europe où on est beaucoup plus fort cette année. Je pense que Limoges peut se qualifier au Top 16, que plusieurs équipes peuvent passer en Eurocup et qu’on peut gagner l’EuroChallenge. Hier soir, j’ai regardé Strasbourg - Bamberg et j’ai vu un superbe match de basket !

Mais quand comme vous, on a longtemps lutté pour le titre de Champion d’Europe, est-ce si facile de se motiver pour « seulement » la lutte pour les Play-Offs de ProA ?

Ce ne sont pas les mêmes objectifs mais en ProA, chaque match est une finale, si on ne pense pas comme ça, on est mort ! Il y a donc un engouement, une excitation à chaque match qui fait la richesse de la ProA. Tout le monde peut être premier, regardez Nanterre il y a deux ans qui se qualifie à la 8ème place pour les Pla-Offs et qui termine Champion. Il n’y a rien de prévu en ProA, c’est cela qui est intéressant.

Durant toutes ces années, aviez-vous l’envie de retrouver le secteur masculin ?

Oui. J’ai été tellement déçu de la façon dont je suis sorti du basket féminin lors de ma saison à Lyon que j’ai dit stop, j’arrête. Et je voulais retrouver le basket masculin. Franchement, je ne pensais pas venir à Cholet, ce n’était pas à l’ordre du jour. Mais je connais tout le monde ici et bien qu’il y ait eu d’autres entraîneurs envisagés pour le poste, c’est moi qui ai été élu. Je suis très content d’être là, maintenant à moi de gagner la confiance de mes dirigeants et de mes joueurs pour la suite.

Pensez-vous que votre passé de Choletais a joué dans votre nomination ?

Evidemment, surtout quand on arrive en cours de saison. C’est important que le coach connaisse les rouages du club, les personnages... Maintenant, quand on débarque du basket féminin, les joueurs vous regardent avec des yeux bizarres. Ils ne savent pas ce que vous avez fait, il faut gagner leur confiance. C’est un peu ce qui s’est passé avec Pierre Vincent à l’ASVEL. Ce n’est jamais évident, le regard des joueurs est différent, même si moi j’avais déjà coaché en ProA avant, avec Cholet, Toulouse...

Cholet est un club historique, qui a été Champion de France en 2010. Mais quand on voit la tendance actuelle avec des budgets de plus en plus importants dans des grandes agglomérations comme Strasbourg ou Lyon, à l’image de la volonté de l’Euroleague de se recentrer sur les grandes villes d’Europe, un club comme Cholet a-t-il encore les moyens de se mêler à la course au titre ?

Il y a toujours des exceptions et l’histoire d’un club est toujours une affaire de cycle. Quand Cholet a été Champion de France, pas un mec n’aurait misé dessus. Ils ont réussi parce qu’ils avaient stabilisé l’effectif et le staff, avec Erman Kunter à l’époque. Il ne faut pas changer l’entraîneur et tous les joueurs tous les ans. Après, ça vient à un moment mais personne ne sait quand. Par contre, rester Champion plusieurs années, c’est une autre histoire. Cholet est une petite ville mais il y a un club de basket qui va bientôt fêter ses 40 ans, qui a accompli de belles choses et qui a un Centre de Formation qui a sorti bon nombre de très grands joueurs. Quand il y a une histoire, il y a des bases solides. Maintenant, si un jour on veut franchir un cap, ce n’est pas Cholet tout seul qui y arrivera. C’est une vision futuriste que j’ai là mais je pense que si demain Cholet veut réussir, il faudra une nouvelle salle et sans doute se rapprocher avec d’autres villes pour faire un grand club régional. Je ne sais pas comment, ni avec qui mais il faudra certainement se rapprocher d’une grande ville.

Cholet n’a pas fait les Play-Offs ces deux dernières saisons. Vous a-t-on fait comprendre que cette année, il fallait se qualifier ?

En ProA, toutes les équipes ont l’objectif de finir dans les 8 premiers. Évidemment, pour Cholet se serait bien parce que le public a été habitué à manger du caviar et que depuis deux ans, il n’en a plus. Mais la concurrence est rude et le moindre faux-pas se paye très, très cher. Donc il faut être très ambitieux parce que si on dit qu’on veut finir 8ème, on va finir 10ème, il faut voir au-dessus. Et ce n’est pas toujours évident de faire passer des messages comme ça. De plus, on a la 15ème masse salariale, mais ça ne veut pas tout dire parce que c’est avant tout le cœur que les mecs mettent sur le terrain qui amène les résultats. Et puis le collectif peut être le stabilisateur d’un groupe. Mais il faut aborder chaque match comme une finale parce que chaque match est différent. Le seul avantage qu’on a, c’est qu’on n’a qu’un seul match par semaine et ça peut nous aider à un moment donné sur la saison. C’est ce qu’il s’est passé avec Limoges l’année dernière.

Pour votre prochain match, vous recevez Boulogne-sur-Mer, la lanterne rouge de ProA qui vient de prendre une rouste au Havre. Est-ce le genre de match que l’on n’a pas le droit de perdre ?

Normalement c’est le genre de match qu’on n’a pas le droit de perdre mais en disant cela, on se met déjà en danger. Ils ont quand même battu Chalon chez eux et puis ce ne sont pas forcément les matches les plus faciles à jouer. Ils n’ont rien à perdre, ils viennent de prendre 40 points contre Le Havre donc ils vont être dans la réactivité. Si on part en se disant qu’on va gagner, on se met dans une position qui n’est pas confortable.

(Source : LNB.fr)

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